Indienne et Argentine de la province de Jujuy, Milagro Sala est une dirigeante sociale pugnace et charismatique engagée dans la lutte pour les droits des plus démunis, des femmes, des minorités, et pour la reconnaissance de la préexistence ethnique et culturelle des peuples autochtones. Abandonnée à la naissance et adoptée par une famille de la classe moyenne, elle découvre la vérité sur ses origines à l’âge de 14 ans et fuit le domicile parental ; s’ensuivent des années au cours desquelles elle fait l’expérience de la marginalité, de la pauvreté, de la délinquance et, à 18 ans, de la prison. Son caractère militant et combatif s’exprime déjà durant ces huit mois d’incarcération, où elle organise une grève de la faim pour dénoncer les mauvaises conditions d’alimentation des détenues. Dès sa sortie de prison, elle commence sa formation militante dans le syndicalisme ouvrier, au sein de la Confédération de travailleurs argentins (CTA). Elle est d’abord déléguée syndicale de l’Association de Travailleurs de l’État (ATE), puis dirige en 1990 les programmes sociaux du mouvement syndical dans les quartiers pauvres de Jujuy. En 1999, elle crée l'organisation sociale Túpac Amaru, rendant hommage à l’Inca José Gabriel Túpac Amaru, instigateur de la rébellion anticoloniale de l’Amérique latine et précurseur du mouvement indigéniste. L'organisation, qui se caractérise par son combat pour la défense des minorités opprimées, prône un mode de fonctionnement alternatif et autonome, hors du contrôle des autorités fédérales. Notamment grâce au soutien financier de Néstor Kirchner, M. Sala mène à bien des projets participatifs d’une ampleur inédite en Argentine : construction de plus de 8000 logements sociaux dans la province de Jujuy, de centres de loisirs munis de piscines, de centres de santé à la pointe de la technologie, d’espaces éducatifs et culturels, ainsi que 120 coopératives de production, créant des emplois pour des centaines de femmes et de chômeurs. Elle met en place un programme phare, la Copa de leche (« le verre de lait »), pour pallier la dénutrition des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées en situation de vulnérabilité sociale. En 2013, la Túpac Amaru fonde le Parti pour la Souveraineté Populaire ; M. Sala est élue députée de la province de Jujuy la même année, puis parlementaire du Mercosur en 2015. La liste de ses ennemis ne cesse de croître en même temps que sa popularité, et elle est victime d'une attaque par balles en pleine campagne. En janvier 2016, le sénateur et gouverneur de la province de Jujuy Gerardo Morales, en accord avec la politique du nouveau président Mauricio Macri vis-à-vis des revendications des peuples originaires, utilise les moyens de la justice pour criminaliser l’action sociale de M. Sala. Sur le fondement d’une fausse accusation de sédition, de corruption et d’extorsion de fonds, elle est arrêtée par un appareil judiciaire qui, faisant fi de son immunité parlementaire, la place en détention provisoire. Les programmes et structures créés par la Túpac Amaru sont annulés, démolis ou expropriés par le gouvernement. En 2017, alertée des mauvais traitements subis par la dirigeante sociale en prison, la Cour interaméricaine des droits humains exige de l’État argentin la garantie du respect de l’intégrité de M. Sala et, en ce sens, la mise en place d’une détention provisoire domiciliaire. Mais en janvier 2019, la militante est condamnée à treize ans de prison ferme. En France, l’autrice argentine Alicia Dujovne Ortiz s’est jointe à la mobilisation internationale avec son livre Milagro Sala, l’étincelle d’un peuple (2017), publié aux éditions des femmes-Antoinette Fouque. Première prisonnière politique du gouvernement de Mauricio Macri, M. Sala est aujourd’hui considérée comme un symbole de résistance sociale en Amérique latine.
Ariana SAENZ ESPINOZA