Les physiciens théoriciens du monde entier éprouvent de la reconnaissance envers Cécile DeWitt-Morette, fondatrice de l’École d’été de physique théorique des Houches. Tous les grands noms de la physique théorique contemporaine y ont effectué des séjours de formation dans leur jeunesse et, plus tard, prodigué des cours, rassemblés en de nombreux volumes qui figurent dans toutes les bibliothèques scientifiques. Sans l’initiative créatrice, l’énergie et les dons d’organisatrice de la physicienne, cette école n’aurait pas existé, ni porté les fruits dont la science lui est redevable. C. Morette étudie en France jusqu’à l’après-guerre. En 1946, elle poursuit ses recherches auprès des grands physiciens de l’époque, à Dublin, Copenhague puis Princeton, où elle rencontre son futur mari, le physicien Bryce DeWitt. Américaine par alliance, elle préserve le lien avec son pays natal en créant l’École des Houches qui dépend de l’université Joseph-Fourier de Grenoble où elle est professeure détachée, puis émérite. La loi anti-népotisme américaine – aujourd’hui abolie – rend sa carrière difficile, jusqu’au départ du couple pour l’université d’Austin (Texas). Cependant, ni les charges d’enseignement à l’université de Caroline du Nord, ni ses obligations de mère de famille ne ralentissent ses activités et ne la découragent dans la poursuite de ses recherches scientifiques. C. DeWitt-Morette est une spécialiste de l’intégrale de Feynman, outil mathématique intuitif et puissant capable de prédire les phénomènes quantiques, dont la formulation mathématique rigoureuse est cependant élusive. Elle contribue grandement à son utilisation effective, puis, en collaboration avec le mathématicien Pierre Cartier, à son interprétation mathématique. Cette double recherche, théorique et appliquée, représente un aspect remarquable de son œuvre, en plus de son étude sur l’existence de deux structures mathématiques dites « groupes pin », non isomorphes sur une variété lorentzienne (c’est-à-dire un espace-temps courbe). Professeure émérite à l’université d’Austin, C. DeWitt-Morette reçoit plusieurs prix dont le prix du Rayonnement français en 1992 et, conjointement avec son mari, le prix Marcel-Grossmann en 2000.
Yvonne CHOQUET-BRUHAT