Fille de rabbin, Dvora Baron acquit une solide connaissance des sources traditionnelles juives, fait rare pour une Juive de son époque. À 16 ans déjà, elle fut considérée comme auteure « à succès » et publia des nouvelles en hébreu dans les journaux d’Europe de l’Est, tels
Ha-tsefira ;
Ha-zeman ;
Ha-‘olam ;
Ha-melits ;
Ha-shiloah. En 1906, elle acheva ses études secondaires au lycée russe et, en 1911, s’installa en Palestine. Elle devint rédactrice de la rubrique littéraire du journal
Ha-po’el ha-tsa’ir (« le jeune travailleur »), dont elle épousera par la suite le rédacteur en chef, le sioniste Yossef Aharonovitch. Pendant la Première Guerre mondiale, elle fut exilée en Égypte avec son mari et sa fille. Ce séjour est relaté dans
Le’et ‘ata (« à l’instant présent », 1943). À son retour en Palestine, le couple reprit la rédaction du journal et s’y consacra jusqu’en 1923. Très occupée par son travail de rédactrice, D. Baron écrivit moins pendant cette période ; cependant chacun de ses livres fut accueilli avec enthousiasme et considération. Parmi ses recueils de nouvelles, il convient de citer
Sippourim (« nouvelles », 1927),
Ma shehaya (« ce qui fut », 1939),
Shavririm (« cassures », 1949) et
Parshiyot (« épisodes », 1951), ouvrage qui réunit la plus grande partie de son œuvre. Elle obtint de nombreux prix littéraires, devenant même la première lauréate du prix Bialik (du nom du poète Haïm Nahman Bialik, 1873-1934), lors de sa création en 1933, pour le recueil
Sippourim. Avant même le décès de son époux en 1937, l’écrivaine s’éloigna lentement de son entourage. Affaiblie par la maladie, alitée, elle vivra cloîtrée chez elle jusqu’à sa mort. Bien que la plupart de ses nouvelles soient écrites à la première personne, comme s’il s’agissait de souvenirs d’enfance, sa vision du monde est objective et universelle. Chantre de la bourgade juive de l’Europe de l’Est disparue dans les tourments de la Shoah, elle la dépeint avec authenticité plutôt qu’avec réalisme. En fait, c’est l’âme de cette bourgade qu’elle fait renaître avec empathie et révolte à la fois. Ses nouvelles, souvent tragiques, décrivent les expériences humaines des faibles et des malheureux. Les femmes juives, au destin cruel, en sont souvent les héroïnes. On y côtoie l’orpheline
(Shavririm), la jeune fille délicate et sensible au service des riches (
Shifra, 1927), la femme du rabbin (
Bereshit, « au commencement », 1927), la répudiée malgré elle (
Peroudim, « séparations », 1904) et beaucoup d’autres. D’une grande pureté, évitant les fioritures, la prose de D. Baron va à l’essentiel. Ainsi la poétesse et femme de lettres
Léa Goldberg* compare son écriture dans la nouvelle
Derekh ha-qotsim (« le chemin des ronces », 1943) à celle de Gustave Flaubert dans
Un cœur simple. Il est vrai que, traductrice de
Madame Bovary, D. Baron a été influencée par la littérature européenne du
XIXe siècle. Elle a su, à travers la vie quotidienne apparemment banale des petites gens dont elle fait des héros, pérenniser un monde juif disparu à jamais.
Lily PERLEMUTER