Elle-même sculptrice plutôt académique, Gertrude Vanderbilt Whitney fut le principal mécène de l’avant-garde américaine de l’entre-deux-guerres. Héritière de l’immense fortune des Vanderbilt, elle s’initie en 1896, après son mariage avec l’homme d’affaires Harry Payne Whitney, à l’art de la sculpture sur marbre, qu’elle pratique d’abord sous couvert d’un pseudonyme. Très vite, ses voyages la portent en Europe et surtout à Paris, où elle admire la suprématie d’Auguste Rodin et s’en inspire grandement (Paganism Immortal, 1907). Après son engagement dans les services de la santé lors de la Grande Guerre, elle réalise, en 1921, de petits bronzes plus expressifs et, en ce sens, plus réalistes, livrant une image à la fois douloureuse et héroïque du combat. Cependant, l’essentiel de ses œuvres sont des commandes publiques d’inspiration allégorique. Bras en croix, la figure du Titanic Memorial, dont le projet fut réalisé en 1914 et la statue taillée par un praticien puis inaugurée en 1931, utilise l’image forte du sacrifice christique pour rendre hommage à la mémoire des hommes morts pour sauver femmes et enfants, et devenus héros pour la postérité. Mais sa célébrité vient surtout de son œuvre de mécène. Elle collectionne les œuvres des grands de la scène européenne (Georges Braque, Pablo Picasso, Marcel Duchamp), soutient les avant-gardes russes, aide Constantin Brancusi. Pour encourager les développements des avant-gardes américaines, elle achète les œuvres des artistes refusés et ouvre pour eux, en 1918, le Whitney Studio Club, une galerie appelée à devenir l’un des principaux lieux de rencontres et d’échanges artistiques de l’entre-deux-guerres, puis, en 1931, le Whitney Museum of American Art. Ce lieu, qui demeure l’un des grands musées new-yorkais consacrés à l’art américain, exposera plus de 600 pièces collectionnées par la sculptrice et refusées par le Metropolitan Museum of Art de New York à qui elle les avait offertes. Fondée en 1920, la revue The Arts, qu’elle soutient, devient l’une des principales tribunes des artistes qui refusent les règles rigides de la National Academy of Design. Elle offre ainsi une visibilité nouvelle à l’art américain, notamment représenté par Edward Hopper et l’Ashcan School, école d’artistes new-yorkais, qui prend pour sujet d’art les réalités sociales de l’Amérique du premier XXe siècle et compte dans ses rangs Robert Henri, John Sloan et Malvina Hoffman*.
Anne LEPOITTEVIN
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions