Symbole de la lutte pour la liberté d’expression en Haïti, depuis 1977, Liliane Pierre Paul écrit et propose des programmes radiophoniques en créole, afin d’informer les Haïtiens illettrés. Ses opinions et son indépendance en ont fait une cible pour la plupart des gouvernements haïtiens. Elle fait partie des journalistes exilés après la rafle du 28 novembre 1980, au cours de laquelle le régime totalitaire de Jean-Claude Duvalier arrête massivement les leaders politiques, syndicalistes et intellectuels favorables à la démocratie. Pendant six ans, jusqu’à la chute du président, la presse indépendante incarnée par Radio Haïti International est réduite au silence. L. Pierre Paul reçoit, en 1990, le Prix du courage de la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF) pour ses programmes en créole. Sous la dictature militaire qui suit le coup d’État de 1991, elle continue d’être persécutée. En 1994, avec les journalistes Sonny Bastien, disparu en 2008, et Marvel Dandin, elle fonde Radio Kiskeya, l’une des radios indépendantes les plus importantes de Port-au-Prince. Vice-présidente et directrice des programmes, elle défend la cause des femmes. De 1994 à 1996 et de 2001 à 2004, elle est menacée de mort en raison de son opposition au président Jean-Bertrand Aristide et à son parti politique, le Fanmi Lavalas. En 2003, elle est contrainte de suspendre les émissions. Nommée pour le prix Jean-Dominique dans la catégorie « Reportage et Émission », L. Pierre Paul refuse de le recevoir pour « raison personnelle ». De nombreuses organisations de défense de la liberté de la presse se mobilisent pour dénoncer la campagne orchestrée à son encontre. Elle participe à la fondation de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH), dont elle est secrétaire, puis présidente en 2012, élue à l’unanimité. En 2009, elle reçoit le prix Yvonne-Rimpel de la meilleure femme journaliste et remet la dotation du prix à deux organisations féministes. Les programmes de Kiskeya sont désormais diffusés sur Internet, ainsi que les photographies de la journaliste. Après le séisme du 12 janvier 2010, elle est en première ligne pour relayer auprès des médias du monde entier des informations sur les conséquences du tremblement de terre.
Marion PAOLI