Enfant naturelle, Marie Laurencin reçoit de sa mère, d’origine créole, une éducation petite-bourgeoise. Elle choisit néanmoins de se consacrer à l’art et s’inscrit en 1902 à la Manufacture de Sèvres, où elle apprend la peinture sur porcelaine. Tout en continuant à apprécier et à pratiquer les arts décoratifs, elle se forme également à la peinture en suivant les cours privés de l’académie Humbert à Paris en 1904. Elle y rencontre Francis Picabia, mais surtout Georges Braque qui la présente à Pablo Picasso et aux membres de son cercle. Familière du Bateau-Lavoir, la jeune femme entretient entre 1907 et 1912 une relation amoureuse avec Guillaume Apollinaire (Apollinaire et ses amis. Une réunion à la campagne, huile sur toile, musée national d’Art moderne, Paris, 1909). Bien que ses œuvres la situent plutôt aux marges des cubistes, elle participe régulièrement à leurs expositions : c’est avec eux qu’elle est présentée au Salon des indépendants ; elle expose avec la Section d’or à la galerie La Boétie en 1912 et participe, durant la même année, à la décoration de la « maison cubiste » de Duchamp-Villon et d’André Mare, présentée au Salon d’automne. En juin 1914, elle épouse le peintre allemand francophile Otto von Wätjen et doit, dès la déclaration de guerre, fuir vers l’Espagne. Voyageant entre Madrid et Barcelone, elle collabore avec F. Picabia à la revue 391. Après un passage par Düsseldorf, elle rentre seule à Paris en 1921. Commence alors pour elle une période de grand succès. Représentée depuis 1913 à Paris par le marchand Paul Rosenberg et à Berlin par Alfred Flechtheim, elle expose régulièrement, vend beaucoup et reçoit de nombreuses commandes. Portrait de la baronne Gourgeaud à la mantille noire (MNAM, Paris, 1923), Portrait de Melle Chanel (musée de l’Orangerie, Paris, 1923) : nombreuses sont les personnalités de l’entre-deux-guerres qui se font portraiturer par la peintre. L’œuvre de M. Laurencin est d’abord influencée par la ligne matissienne et la sincérité du Douanier Rousseau. Au cubisme auquel on la rattache ensuite, elle emprunte la simplification des formes et l’abandon du modelé, proposant des figures aplanies dans un espace quasiment sans perspective, comme le montre la mise en scène d’Apollinaire et ses amis. Dès cette œuvre cependant, elle apparaît un peu en retrait du groupe, et son œuvre de l’entre-deux-guerres ne fait que confirmer cette impression. Ses peintures, qui représentent essentiellement de jeunes adolescentes, des femmes et des enfants, sont en effet empreintes d’une grâce considérée comme toute féminine par les critiques de l’époque, ce que la peintre ne renie pas. Par des teintes pastel, des traits délicats, elle propose une figure idéalisée de la féminité, à l’image de sa contemporaine Jacqueline Marval*, avec qui elle avait partagé sa première exposition chez Berthe Weill (1865-1951) en 1908. Ces peintures de femmes ne sont cependant pas la simple représentation d’un âge d’or atemporel : elles sont une certaine image de la femme libérée des années 1920. Les connotations lesbiennes ne sont pas absentes de ses œuvres, surtout celles qui représentent Nicole Groult (1887-1967), sœur de Paul Poiret, avec qui l’artiste entretient une relation intime lors de son exil en Espagne : Femmes à la colombe. Marie Laurencin et Nicole Groult (à la colombe) (Paris, MNAM, 1919). Outre la peinture, l’artiste produit également des gravures et des travaux d’arts décoratifs. Elle réalise au cours de sa vie plus de 300 gravures et illustre de nombreux livres. En 1923, elle réalise les costumes et le décor pour Les Biches des Ballet russes de Diaghilev, sur un livret de son ami Jean Cocteau, et propose plusieurs autres travaux pour la scène jusqu’à la fin des années 1920. Elle enseigne également à partir de 1933 à l’Académie du XVIe à Paris, fondée par le maître en gravure Jean Émile Laboureur. Ses productions des années 1930 et 1940 sont cependant parfois répétitives. Depuis les années 1990, son œuvre fait l’objet d’un regain d’intérêt, notamment grâce à son succès au Japon qui voit dans ses œuvres des années d’entre-deux-guerres une grâce non seulement féminine mais toute française. En 1983, un musée Marie Laurencin a d’ailleurs été fondé à Tateshina.
Marie GISPERT
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions