Issue d’une famille pieuse de la classe moyenne iranienne, Nasrin Sotoudeh, diplômée en droit international, admise au barreau de Téhéran en 1995, devra attendre huit ans pour que soit levée l’interdiction d’exercer en raison de ses liens avec l’opposition. Son métier d’avocate est indissociable de son engagement pour la justice. Elle se fait défenseure des enfants maltraités et des femmes (dont les manifestantes pacifiques du 8 mars 2006 matraquées par les forces de l’ordre). Lorsque Shirin Ebadi* est contrainte à l’exil, N. Sotoudeh prend le relais dans la défense des opposants politiques arrêtés après la réélection d’Ahmadinejad en juin 2009, et dénonce publiquement l’illégalité des charges. Cette pacifiste est arrêtée en septembre 2010 et condamnée en appel à six ans d’emprisonnement et dix ans d’interdiction d’exercer son métier, pour atteinte à la sécurité de l’État. Toutes les grandes organisations internationales de défense des droits humains et l’Organisation des Nations unies se mobilisent pour sa libération. Mise à l’isolement en prison et maltraitée, elle fait plusieurs fois la grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention et le harcèlement dont sa famille est l’objet. Inflexible, elle refuse de porter le tchador pour obtenir le droit de voir ses enfants et entend, quoi qu’il arrive, poursuivre son combat pour le respect des droits humains en Iran. En octobre 2012, le prix Sakharov pour la liberté de pensée lui est décerné (conjointement avec le cinéaste iranien Jafar Panahi) à l’unanimité du Parlement européen. Elle est libérée en septembre 2013, après trois ans de prison, en même temps que d’autres prisonniers politiques parmi lesquels la journaliste Mahsa Amrabadi et la militante féministe Mahboubeh Karami, membre de la campagne « Un million de signatures » pour les droits des femmes en Iran*. En 2015, elle joue son propre rôle dans Taxi Téhéran, un film de Jafar Panahi contre la dictature et revendiquant la liberté d’expression. Si les autorités iraniennes font tout leur possible pour limiter ses activités, N. Sotoudeh continue de travailler en tant qu'avocate spécialisée dans la défense des droits humains dès sa sortie de prison, mais en juin 2018, elle est de nouveau arrêtée, notamment pour « incitation à la débauche ». En mars 2019, suite à sa condamnation à au moins dix années d'incarcération et 148 coups de fouet, la Ville de Paris lui décerne la citoyenneté d’honneur et demande à Téhéran sa libération immédiate.
Jacqueline PICOT