Sous le pseudonyme littéraire d’Adília Lopes, Maria José Fidalgo de Oliveira a su, en vingt ans de publications, entrouvrir un espace singulièrement séducteur et innovant dans le domaine de la poésie portugaise contemporaine, tout en privilégiant des éditions restreintes et rapidement épuisées. Atteinte d’une psychose schizo-affective, elle a toujours évoqué ouvertement cette maladie dans sa poésie, comme lors de ses apparitions médiatiques controversées. Fidèle au ton humoristique et sarcastique qui, sous des abords de naïveté romantique, caractérise son travail littéraire, elle excelle dans l’art de déconcerter, avec une jonglerie langagière qui frôle le grotesque corrosif et la perversion. Elle revendique les surnoms de Timide Débrouillarde, de Chrétienne Triste, de Sœur Poétesse Baroque comme de Poétesse Pop, et, de fait, le choix d’une écriture ludique jusqu’à l’absurde a pu la faire taxer parfois de « sadique » (
Sete rios entre campos [« sept fleuves entre champs »], 1999). Son œuvre flirte sciemment avec une certaine esthétique de la banalité et assume le risque du kitsch, de l’iconoclaste et de la suspension poétique au bord du prosaïque (
Um jogo bastante perigoso [« un jeu assez dangereux »], 1985). Renversant les alliances habituelles, la poésie rachète dans une harmonie formelle le petit, le fragile, le défectueux et le sale (
César a César [« César à César »], 2003). Elle exhausse le mysticisme de l’économie domestique, la violence des relations quotidiennes, refuse de trancher entre bonté et cruauté, approche le christianisme sans omettre de lui associer l’érotisme ; la confession de la souffrance psychique, sociale et sexuelle ne cesse de revendiquer une nouvelle conception du monde, de l’amour et du corps. Cette poésie intelligente et érudite, usant du proverbe, de l’aphorisme, de l’anecdote, du slogan publicitaire recourt à la mélopée populaire et convoque le souffle de la grande littérature, en s’inspirant d’une tradition littéraire où Rimbaud, Apollinaire,
Sophia de Mello Breyner Andresen* et
Sylvia Plath* entrent dans un séduisant dialogue.
Hugo MENDES AMARAL