C’est en tant qu’élève de Georg Lukács à l’université de Budapest qu’Ágnes Heller commence sa carrière académique. Après la révolution de 1956, elle se met à la lecture de Marx et devient une militante de gauche. Elle est membre de la fameuse École de Budapest, ce qui lui vaut, après le printemps de Prague en 1968 et la mort de Lukács en 1971, son exclusion de l’université. Elle émigre en 1977 en Australie, devient professeure de sociologie à l’Université La Trobe et adopte l’anglais comme langue de publication. En 1986, elle quitte l’Australie pour la New School à New York, où elle occupe la chaire Hannah Arendt* en philosophie. Elle a coécrit plusieurs ouvrages avec Ferenc Fehér, membre de l’École de Budapest : Hungary 1956 Revisited (1983), Biopolitics (1984), Doomsday or Deterrence ? (« catastrophe ou dissuasion ? », 1986), The Postmodern Political Condition (1988), From Yalta to Glasnost : The Dismantling of Stalin’s Empire (« De Yalta à la glasnost, le démantèlement de l’empire stalinien », 1990), The Grandeur and Twilight of Radical Universalism (« la splendeur et le déclin de l’universalisme radical », 1990). La pensée d’Á. Heller défie toute catégorisation, même s’il est possible d’identifier certaines tendances dans sa pensée. Elle s’intéresse à la philosophie politique et sociale, à l’éthique, à l’art, à la religion, à la littérature, et aux événements contemporains comme le 11 septembre 2001. Au nom d’un humanisme démocratique et socialiste, elle critique dans Every day Life (1970) le Mitsein heideggerien. Sa Théorie des besoins chez Marx (1976) revisite les tensions inhérentes à la compréhension économique des comportements et des besoins humains. Dans Renaissance Man (1978), elle approfondit son étude de la vie quotidienne en retraçant le devenir fluide des liens sociaux lors de la transition du féodalisme au capitalisme. Lorsqu’elle arrive à la New School, elle abandonne en grande partie la pensée marxiste pour adopter une position plus néolibérale et se consacrer aux questions éthiques et existentielles. Elle soutient que les principes de l’éthique ne peuvent se réduire aux intérêts de la classe ouvrière, et qu’il faut étendre l’étude au jugement, au choix et à la responsabilité. Dans An Ethics of Personality (1996), elle milite en faveur de la réintroduction de concepts éthiques tels que l’amour, la beauté et le bonheur. Elle décrit son talon d’Achille philosophique comme étant une adhérence inébranlable à la notion de choix existentiel. Dans ses œuvres contemporaines, elle soutient que le terrorisme et le fondamentalisme sont les réactions contre l’anti-fondationalisme du monde moderne. Elle a également travaillé sur des questions entourant l’art, la littérature et le cinéma.
Kristin RODIER