Diplômée de l’École nationale des arts décoratifs en 1980, Agnès Thurnauer a bénéficié d’une formation en cinéma et vidéo qui contribue, sans aucun doute, à sa vision très élargie de la pratique essentiellement picturale, laquelle, selon l’artiste, doit et peut se nourrir des autres médias. Depuis le milieu des années 1990 – elle commence une production d’atelier régulière avec des peintures sur toile libre sans apprêt, à l’inscription minimale – jusqu’à aujourd’hui, où elle alterne abstraction, figuration, collages, inscriptions, elle ne cesse d’interroger la peinture en tissant une vaste toile sémantique, convoquant régulièrement l’installation, la vidéo, la photographie, dans l’élaboration d’un métalangage pictural. Elle repousse les limites et les possibilités du tableau, questionne la place qu’il peut prendre dans le monde contemporain. Dès 1998, A. Thurnauer intègre définitivement le langage dans sa peinture. « Représenter une question, c’est se permettre de la regarder comme paysage », explique-t-elle. Désormais, dans ses œuvres, les mots et les formes sont entremêlés, en résonance, équivalents. Elle se réclame volontiers de Robert Filliou, dont l’œuvre est un labyrinthe de signes et de traces qui marquent le flux incessant d’un processus de production vitale. Ainsi, son atelier est un chantier où tout se tient, se répond, se recycle. Parmi les mots récurrents dans différents tableaux apparaissent, dans les années 2000, les noms d’artistes célèbres, dont elle a féminisé les prénoms (Miss van der Hohe, Francine Picabia) –, une liste alternative potentiellement infinie qui réapparaîtra ensuite en volume, sur des sculptures murales en forme de badges. Les mots font sens et forme ; les tableaux parlent ; l’artiste s’exprime par tous les signes. En 1999, son travail est récompensé par le prix Altadis. En 2003, le palais de Tokyo lui consacre une exposition personnelle, suivi par le Stedelijk Museum voor Actuele Kunst de Gand et le Centre de création contemporaine de Tours en 2007.
Ann HINDRY
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions