Après ses premiers cours de danse à l’âge de 13 ans, Marguerite Acarin étudie à Bruxelles auprès d’une élève d’Émile Jaques-Dalcroze et rejoint le corps de ballet de l’Opéra d’Anvers. En 1922, elle assiste aux conférences de Raymond Duncan, le frère d’Isadora Duncan, où elle rencontre le peintre Marcel-Louis Baugniet dont elle devient modèle et qu’elle épouse en 1923. Celui-ci, engagé dans le courant constructiviste, auteur de peintures abstraites tout en s’intéressant aux arts appliqués, lui invente son nom de scène et dessine pour elle des costumes, collaboration qui se poursuit ponctuellement après leur séparation en 1928. En 1937, l’architecte Jean-Jules Eggericx construit pour elle une salle de spectacle à Ixelles qui ferme ses portes en 1957. Elle se consacre alors à la sculpture et à la peinture, la danse constituant un thème régulier de ses œuvres plastiques. Elle compose une cinquantaine de pièces chorégraphiques, pour la plupart des solos qu’elle interprète elle-même, se produisant en Belgique dans des théâtres ou des demeures privées et dans sa propre salle de 1937 à 1957. Elle fait appel aux musiques de ses contemporains dont Milhaud, Poulenc, Schmitt, Stravinsky, Ravel. Associant dynamiques rythmiques et hiératisme des poses, elle développe un principe de tableaux cinétiques où costumes et décors font écho aux idées de Baugniet : « La vertu de la forme est dans son rythme ». Dans un projet de synthèse des arts, jeux de lignes, de motifs, de couleurs construisent assonances et dissonances dans une danse envisagée comme « musique-architecture ». Grande figure de l’avant-garde belge de l’entre-deux-guerres, elle est mise à l’honneur à la fin de sa vie par deux films : J’aurais aimé vous voir danser, Madame Akarova (Michel Jakar et Thierry Génicot, 56 min, 1990) dans lequel elle explique sa gestuelle et la confronte à celle de jeunes chorégraphes belges ; Akarova/Baugniet, l’entre-deux-guerres (Jurgen Persijn et Ana Torfs, 50 min, 1991), documentaire très complet sur une période foisonnante pour l’invention des formes en Belgique.
Philippe LE MOAL