Née dans une famille juive de Budapest, Alice Balint est la fille aînée de Vilma Kovács. Après le divorce de ses parents, elle est élevée pendant quelques années dans la maison de son père, souvent absent, avec son frère Ferenc et sa sœur Olga, par une servante à demi folle. À l’adolescence, elle va rejoindre leur mère, remariée avec Frigyes Kovács qui, à la mort du père, adoptera les trois enfants. Elle étudie l’ethnographie et rencontre Michael Balint, alors étudiant en médecine, avec qui elle suit des cours de mathématiques. Elle l’initie à la théorie psychanalytique en lui prêtant deux ouvrages de Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité et Totem et tabou. La conjoncture politique – la traversée de deux révolutions : bolchevique puis fasciste, et l’antisémitisme qui sévit avec l’instauration du numerus clausus à l’université – barre tout projet de carrière. Ils se marient en 1921 et partent pour Berlin. Elle suit des cours d’anthropologie et se forme à la policlinique de Berlin, tandis qu’il est assistant à l’Institut de chimie organique où il prépare une thèse. Elle rentre à Budapest en 1925 et donne naissance à un fils. Elle fait une autre analyse avec Sándor Ferenczi et devient membre de l’Association hongroise. Analyste reconnue, elle mène une active politique de rencontres scientifiques entre les analystes de Budapest, de Prague et de Vienne. Ses relations amicales avec l’anthropologue et analyste Géza Róheim lui fournissent aussi l’occasion de débats scientifiques comparatistes qui enrichiront ses articles. Elle participe à la fondation de la policlinique de Budapest qui ouvre en 1931 et où elle reçoit des patients. Intéressée par le folklore de l’Europe centrale, en particulier celui des Tziganes, et par celui des peuples amérindiens qu’elle ne connaît que de loin, A. Balint va très vite se consacrer au peuple des enfants. Et c’est surtout comme analyste d’enfants qu’elle est représentative de l’École de Budapest. Elle développe la recherche, initiée par S. Ferenczi, sur l’éducation du jeune enfant et sur la notion de « bon environnement », qui sera reprise par Donald Winnicott. Elle noue des relations amicales avec Anna Freud. Elle publie de nombreux articles traitant de thèmes pratiques pour lesquels les parents sont avides de réponses comme « sucer son pouce », « la pudeur », « les vilains mots », « la masturbation », « raconter des histoires aux enfants », « informer l’enfant ». L’amour filial reste au cœur même de sa recherche. Son article très remarqué sur l’« Amour pour la mère, amour de la mère » (1965) développe la problématique de la symbiose mère-enfant qui influencera M. Balint dans l’élaboration de son concept d’« amour primaire ». Enfin, La Vie intime de l’enfant (1932) est une initiation aux soins apportés aux tout petits et au fonctionnement de la psyché infantile. Elle coécrit avec Michael Balint « Transfert et contre-transfert » (1939), qui reste le tout premier article sur ce sujet. Juste avant la Seconde Guerre mondiale, fin 1938, précédant son mari, elle part avec leur fils en exil en Grande-Bretagne.
Michelle MOREAU RICAUD