Alice Munro commence à écrire alors qu’elle fréquente l’université de Western Ontario, qu’elle quitte en 1951 pour Vancouver où elle crée la librairie Munro’s Books avec son mari. En 1972, elle revient seule dans cette même université en tant qu’auteure en résidence, ce qu’elle sera ensuite en 1980 dans les universités de Colombie-Britannique et de Queensland. Elle rencontre le succès dès La Danse des ombres heureuses (1968), son premier recueil de nouvelles qui remporte le prix du Gouverneur général – qu’elle reçoit à nouveau pour Pour qui te prends-tu ? (1978) et pour The Progress of Love (1986). Celle que la critique et romancière Cynthia Ozick* appelle « notre Tchekhov » recevra de nombreuses autres récompenses, jusqu’au prestigieux Man Booker International Prize, en 2009, qui lui confère la reconnaissance de toute sa carrière.
A. Munro use dans ses œuvres de ce qui semble futile mais génère pourtant de réelles tragédies. Elle imbrique plusieurs histoires les unes dans les autres, tisse des liens qui s’emmêlent agréablement, efface les frontières du temps, place au premier plan ce qui paraît devoir être relégué au second, fait jouer le destin. Elle abuse du silence et de l’entre-deux, de l’incertain, du vacillement. Ses personnages féminins sont tiraillés entre l’envie de changer de vie et le poids de la société qui les cloue sur place. Fugitives (2004) exprime leur désir de fuite, leur recherche de liberté… et leur renoncement – qui demeure inévitable chez A. Munro. Blessures, cicatrices, trahisons, secrets et mensonges jalonnent son œuvre, enserrant ses femmes asservies dans un univers clos d’où elles ne peuvent s’échapper. Certains de ses récits sont considérés comme autobiographiques, mais ce que l’auteure réussit, c’est véritablement à renvoyer le lecteur à sa propre vie.
Élodie VIGNON