Anna Andreïevna Gorenko est née près d’Odessa en 1889, mais l’année suivante sa famille s’installe à Tsarskoïe Selo, près de Saint-Pétersbourg. C’est en réaction contre le scepticisme de son père face à sa poésie qu’Anna choisit pour pseudonyme le nom de son arrière-grand-mère, d’ascendance tatare. Elle fait ses études au lycée de Tsarskoïe Selo, indissolublement lié au nom de Pouchkine, où elle rencontre en 1903 Nikolaï Goumilev, qui deviendra son mari en 1910. Elle commence très tôt à écrire des poèmes, sous l’influence des poètes russes Valeri Brioussov, Alexandre Blok et Innokenti Annenski, qu’elle considère comme son maître, mais aussi de Baudelaire et Verlaine. Au printemps 1910, elle séjourne à Paris, où elle rencontre le peintre Modigliani, qui fait son désormais célèbre portrait au crayon. Jusqu’en 1917, elle passe tous les étés dans la région de Tver. Elle y découvre les paysages russes, la vie paysanne, la langue populaire, ses sources d’inspiration. En 1911, elle entre à l’Atelier des poètes, qui devient en 1912 le groupe des acméistes. Ceux-ci défendent le point de vue de la réalité concrète en poésie, par opposition aux symbolistes. C’est le premier recueil d’Anna Akhmatova, Le Soir, qui a en partie servi de fondement poétique aux déclarations acméistes. En 1912 naît son fils Lev, qui deviendra un célèbre géographe, fondateur de la théorie ethnologique. La gloire d’Akhmatova grandit après la publication de son recueil Tchotki (Le Rosaire, 1914). Des poètes comme Marina Tsvetaïeva, Vladimir Maïakovski, Boris Pasternak louent son art. Sa poésie lyrique, évoquant parfois le genre épistolaire ou le journal intime, sait aussi se faire l’écho de toute une époque. Après la révolution, elle n’émigre pas, mais elle sera toujours considérée par le pouvoir comme une poétesse de l’ancienne Russie, jusqu’aux critiques de Jdanov en 1946. Alors qu’il devient difficile de se faire publier, Akhmatova écrit de nombreuses études pouchkiniennes. Pendant les terribles années 1930, les répressions touchent sa famille : son fils est arrêté et déporté. La tragédie du peuple russe, qui est aussi sa tragédie personnelle, est le sujet de son long poème Requiem, qui ne sera publié intégralement qu’en 1987. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle écrit de célèbres poèmes patriotiques ; elle travaille aussi à sa grande œuvre, Le Poème sans héros, œuvre complexe par sa composition et son caractère chiffré, fresque épico-lyrique embrassant les temps et les lieux, depuis l’année 1913 jusqu’à la lutte de la Russie contre le nazisme. À partir de 1953 son œuvre commence à être publiée. En 1964, elle reçoit en Italie le prix Etna-Taormina, et en 1965 devient docteure honoris causa de l’université d’Oxford. En 1965 est publié son dernier recueil Bieg vremeni (« la Fuite du temps »), qui permet aux lecteurs de découvrir son œuvre. Anna Akhmatova meurt l’année suivante près de Moscou.
Florence CORRADO-KAZANSKI