Depuis le début des années 1960, Anna Maria Maiolino, d’origine italienne, évoque son propre exil et se fait l’écho des conditions sociales et politiques du Brésil. Installée au Venezuela en 1954, elle intègre l’École nationale des beaux-arts de Rio de Janeiro en 1960. Ses premières expériences plastiques questionnent la notion de langage et de censure, de genre et de corps. En participant à la « nouvelle figuration brésilienne », elle rejette les principes de l’abstraction, tout en contestant la politique menée par le gouvernement. En 1967, l’exposition New Brazilian Objectivity présente son travail aux côtés de Lygia Clark* ou d’Hélio Oiticica. Avec des séries de gravures, comme A Viagem (« le voyage », 1966), elle dénonce l’oppression et la censure de son pays. En 1968, après avoir obtenu la nationalité brésilienne, elle travaille à New York, où elle découvre l’art minimal et conceptuel. Elle commence alors la série des Mapas mentais (« cartes mentales », 1971-1976), où une grille lui permet d’organiser des mots, des lieux précis, des noms communs tels que « mort », « art », « poésie »… C’est aussi à cette époque que l’artiste associe dessin et sculpture, comme dans Buraco preto (Black Hole, 1974) de la série Os Buracos/Desenhos Objetos (Holes/Drawing Objects) ; elle crée de véritables sculptures de papier tridimensionnelles. En outre, elle effectue ses premières performances et ses premiers films en utilisant son corps comme support de la critique sociale et politique : In-Out Antropofagia (1973), film en Super 8, ou De para (From to, 1974), un « photo-poème-action », où elle s’enroule la tête de ruban pour dénoncer le silence auquel la femme est contrainte dans la société contemporaine. De retour à Rio de Janeiro en 1989, et cherchant à créer une véritable interaction entre sa pratique artistique et la vie, au-delà même de son atelier, A. M. Maiolino explore de nouveaux médiums et intègre l’argile dans son processus de création, inscrivant à la fois dans la matière et dans le temps les traces de ses actions. Ses dispositifs, ni tout à fait conceptuels ni minimalistes, n’ont de cesse de transcrire des propos entre l’art et la réalité. En 2010, ses œuvres sont montrées au Camden Arts Centre à Londres et dans l’exposition collective Mind and Matter : Abstractions, 1940s to Now, au Museum of Modern Art de New York.
Chantal BÉRET
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions