Élève du chorégraphe français Lepy, puis de son maître, le rénovateur du ballet Jean Georges Noverre, Anne Heinel révèle des dons exceptionnels, et ce dernier la fait débuter en 1767 à Stuttgart, à la cour du duc de Wurtemberg, puis à Vienne. Peu après, elle est engagée à Paris à l’Académie royale de musique, où elle poursuit une brillante carrière jusqu’en 1781, alors nommée par le public « reine de la danse ». On lui attribue la création de la « pirouette à la seconde ». La précision et la noblesse de son style suscitent d’abord la jalousie de Gaétan Vestris, célèbre « dieu de la danse ». Il devient pourtant son partenaire à la ville comme au théâtre. À l’Opéra de Paris, à la cour de Versailles ou de Fontainebleau, elle interprète les divertissements de tragédies-lyriques et pastorales tels que Dardanus (1768), Zaïs (1769), Castor et Pollux (1770), Osiris (1772) de Rameau ; Persée (1770) de Lully ; Aline, reine de Golconde (1771) de Monsigny ; Sabinus (1773) de Gossec. Invitée à Londres au King’s Theatre de 1771 à 1776, elle remporte un vif succès dans Admète et Alceste de Lepy, d’après Noverre. Si, à Versailles et Paris, elle excelle en 1774 dans Iphigénie en Aulide, Orphée et Eurydice, Alceste de Gluck, elle peut enfin déployer pleinement son sens dramatique dans les œuvres réglées par Noverre : Médée et Jason, Apelles et Campaspe, Les Horaces, Annette et Lubin. Après le départ de Noverre, éloigné par les intrigues de rivaux, elle crée en 1781 La Fête de Mirza puis Ninette à la cour de Maximilien Gardel et quitte la scène en pleine gloire. Dans ses Lettres sur la danse, Noverre célèbre la danseuse comme « le plus parfait exemple de style de danse noble ».
Marie-Françoise CHRISTOUT