Première artiste textile à bénéficier d’une exposition personnelle au Museum of Modern Art de New York en 1949, spécialiste des techniques et de l’histoire du tissage en Amérique du Sud, Anni Albers est aussi l’auteure de deux livres théoriques sur la pratique du design (On Designing, 1959) et du tissage (On Weaving, 1965). Issue d’un milieu intellectuel et bourgeois, elle bénéficie, jeune, de cours particuliers d’art, puis de l’enseignement du peintre postimpressionniste Martin Brandenburg. Après une tentative à la Kunstgewerbeschule (école d’arts appliqués) de Hambourg, elle choisit en 1922 l’innovation, en s’inscrivant au Bauhaus à Weimar. Formée par Georg Muche, puis Johannes Itten, elle intègre l’atelier de tissage vers lequel étaient systématiquement dirigées les femmes. En 1925, le Bauhaus déménage à Dessau ; la même année, trois ans après leur rencontre, elle épouse l’artiste Josef Albers et crée des tapisseries aux formes géométriques pour la résidence de Gropius, dessine des rideaux pour le théâtre. L’atelier de tissage se veut utilitaire et multiplie les essais scientifiques ; l’artiste, ainsi que les autres élèves, y développe des tissus pour les meubles en tubes d’acier ou des tentures murales. De nouvelles matières sont testées, comme la cellophane, la soie artificielle. A. Albers crée pour la salle des fêtes de l’École fédérale un tissu à tendre qui absorbe les sons afin d’en améliorer l’acoustique. Elle passe son diplôme du Bauhaus en 1930. En 1933, consciente de la violence de l’antisémitisme nazi, elle comprend qu’il est temps de quitter l’Allemagne. L’architecte Philip Johnson, rencontré auparavant au Bauhaus, invite le couple à venir enseigner au Black Mountain College en Caroline du Nord. En 1934, A. Albers met en place l’atelier de tissage du Black Mountain College, où elle sera maître assistante jusqu’en 1949. Elle interviendra ensuite dans de nombreuses écoles d’art comme spécialiste de l’art textile. Parallèlement, elle travaille sur des prototypes de tissus pour des grandes firmes, comme Rosenthal et Knoll, sans jamais sacrifier son travail expérimental et artistique. De nombreux voyages au Mexique lui font découvrir et étudier les tissages traditionnels sud-américains qui vont beaucoup l’inspirer. En 1965, le Jewish Museum de New York lui demande une œuvre à la mémoire des victimes de la Shoah. Cette pièce, Six prayers, sera sa dernière œuvre textile, car elle se consacrera désormais à la gravure. En 1975, son travail est exposé au Kunstmuseum, à Düsseldorf, et au Bauhaus-Archiv, à Berlin.
Catherine GONNARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions