Vivre dans des empires multinationaux ou dans les colonies de la diaspora, appartenir par leur milieu social ou leur condition de levantine à un milieu cosmopolite, fréquenter les écoles des missions en Orient ou les gymnases russes à Moscou et à Tiflis ont amené des Arméniennes à écrire en langues étrangères. Dès les années 1920, ce trait s’est généralisé avec l’expansion de la diaspora. Ces femmes de lettres qui ne s’expriment pas en arménien, ont néanmoins conservé un imaginaire et une sensibilité hérités de leurs origines.La poétesse Vittoria Aganoor* (1855-1910) est la septième enfant de Giuseppina Pacini, une comtesse italienne, et du comte Edoardo Aganoor, un noble arménien originaire de Perse, à qui elle dédie A mio padre, versi (« vers à mon père », 1893). Élevée à Padoue, elle a pour maîtres l’abbé et poète Giacomo Zanella et le poète Andrea Maffei. Tout en soignant sa mère malade et sa sœur invalide, elle se cultive, écrit et reçoit jeunes écrivains, musiciens et artistes dans son salon vénitien. Elle entretient une longue correspondance avec les pères mékhitaristes arméniens de l’île San Lazzaro auxquels son père est resté lié. Longtemps, sa poésie lyrique – expression d’un tempérament mélancolique et dépressif – ne fut connue que d’un cercle confidentiel. L’intérêt actuel en Italie pour son œuvre a déclenché des publications de sa correspondance :...
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