Déterminée à devenir sculptrice, Augusta Christine Fells arrive à New York en 1921 avec 5 dollars en poche. En plus de son travail de gouvernante, elle accomplit le cursus artistique de la Cooper Union en seulement quelques mois. La bibliothèque publique de New York lui commande un portrait du penseur William Edward Burghardt Du Bois, début d’une série sur les personnalités afro-américaines, comme le nationaliste Marcus Garvey. Ces rencontres marquent profondément l’artiste, qui devient une activiste redoutable. Son premier fait d’armes date de 1923 : exclue d’un programme d’études en France du fait de sa couleur, elle attaque le comité d’admission, devenant la première Afro-Américaine à défier le monde de l’art. Malgré les difficultés sociales et économiques, elle ne cesse de sculpter, notamment des portraits en argile comme Gamin (1930), son œuvre la plus célèbre, représentant un garçon des rues de Harlem, qui révèle la beauté afro-américaine, jusque-là réduite à de racistes caricatures. Le succès est tel qu’elle remporte une bourse de la fondation Rosenwald, lui permettant enfin d’aller à Paris, où elle étudie à l’Académie de la Grande Chaumière avec le sculpteur Félix Benneteau-Desgrois. A. Savage reçoit une médaille du gouvernement français pour ses figures africaines reproduites en médaillons présentées à l’Exposition coloniale de 1931. De retour à New York, elle devient la première Afro-Américaine élue à la National Association of Women Painters and Sculptors. Elle s’investit avec passion dans la vie artistique et politique de Harlem, en créant le Studio Arts & Crafts, le Harlem Art Workshop et le Vanguard Club, dans le but d’éveiller les consciences, d’encourager les talents et de trouver des solutions aux problèmes sociaux des Noirs américains. Sa dernière commande réalisée pour la foire de New York, Lift Every Voice and Sing, est un grand succès, mais elle ne gagne pas le prix. Ne pouvant financer le transport de son œuvre, elle est contrainte de la détruire. Lasse de ces revers, elle s’isole au début des années 1940 dans une ferme près de Woodstock, restant éloignée du monde de l’art jusqu’à la fin de sa vie. Ayant voué son travail à la bataille pour le respect des droits civiques, au détriment voire au péril de sa carrière artistique, A. Savage est aujourd’hui une légende de la Renaissance de Harlem.
Sonia RECASENS
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions