Fille d’officier, Avdotia Ilinitshna Istomina entre à l’école de danse du Théâtre impérial en 1805. Deux ans après, le maître de ballet Charles-Louis Didelot, disciple de Noverre, la prend comme élève. Contraint de s’éloigner suite au conflit franco-russe, il la confie à Eugenia Kolosova et, dès son retour en 1816, lui fait faire ses débuts au Théâtre Bolchoï dans le rôle principal de son ballet anacréontique Acis et Galathée. Sur un livret mythologique se révèlent déjà les aspirations préromantiques du chorégraphe qui découvre en A. Istomina son interprète idéale. Une légèreté impondérable, une extrême fluidité dans les mouvements et un sens dramatique justifient pleinement son titre de première danseuse mime. Ainsi, bien que peu expérimentée, incarne-t-elle avec une précoce justesse de jeu la spirituelle soubrette Susanne dans Don Carlos et Rosalba, ballet librement adapté du Mariage de Figaro de Beaumarchais. En 1818, au Théâtre de l’Ermitage, la danseuse interprète devant la cour Flore et Zéphyre. Elle est sans conteste l’une des premières ballerines qui, avec Geneviève Gosselin et Fanny Bias, ont développé la nouvelle technique de danse sur pointe du pied cambré à l’extrême. Successivement, elle se verra confier par Didelot les rôles principaux dans Cora et Alonso, Euthyme et Eucharis, Le Calife de Bagdad (1820), Alceste, Pyrame et Thisbé (1821), Lili de Narbonne, Le Prisonnier du Caucase (1823) et Rouslan et Ludmila (1824) – tous deux inspirés par les poèmes de Pouchkine –, Nina ou la folle par amour, Thésée et Ariane (1828). Parvenue à l’apogée de sa carrière alors qu’à Paris Marie Taglioni* triomphe dans La Sylphide, elle incarne la tsarine Sumbeka soumettant le royaume de Kazan, ballet réglé par Blache d’après Didelot (1832). En 1836, elle fait ses adieux à la scène, deux ans avant que sa jeune rivale Taglioni ne vienne en Russie. A. Istomina reste dans les mémoires comme la première ballerine qui ait pleinement illustré, en cet âge préromantique, l’harmonie lyrique du style de danse franco-russe.
Marie-Françoise CHRISTOUT