Issue d’une famille d’officiers militaires, Bi Shumin effectue ses études secondaires à Pékin, s’engage dans l’armée en 1969, et est envoyée au Tibet où, infirmière puis médecin, elle reste onze ans. Mariée et de retour à Pékin, elle travaille comme chef de clinique dans l’hôpital d’une usine, mais le besoin de raconter son expérience tibétaine l’incite à écrire, à 34 ans, sa première nouvelle, Kunlun shang (« mort dans le Kunlun »), dont la parution en 1987 provoque un retentissement immédiat : l’auteure y retrace une marche militaire éprouvante sur les monts Kunlun, en glorifiant la force d’âme des jeunes soldats. Elle continue à publier des nouvelles dans cette même veine idéaliste héroïque, puis, en 1991, se consacre exclusivement à l’écriture. Entre-temps, elle étudie la littérature chinoise et la psychologie à l’Université normale de Pékin, et exerce dans un cabinet en tant que psychologue. Lauréate d’une trentaine de prix littéraires, écrivaine influente, elle est actuellement vice-présidente de la section pékinoise de l’Association des écrivains de Chine. La romancière a produit une œuvre abondante, à travers laquelle elle porte sur le monde un regard original, qui lui vient précisément de sa triple compétence, notamment de son expérience du milieu hospitalier. Pleine de compassion envers autrui, dotée d’un sens de la justice et des responsabilités, elle réussit à fusionner l’observation clinique du médecin et l’humanisme de l’écrivaine, ce qui confère à ses écrits une dimension sublime et un réalisme positif, très différents de la littérature plaintive ou accusatrice de son temps. Ainsi, la nouvelle Shengsheng buyi (« une vie toujours renaissante », 1995), que l’auteure appelle « un conte sur la vie », décrit l’instinct maternel d’une jeune femme qui parvient à concevoir une nouvelle vie en risquant la sienne propre. Dans une autre nouvelle, Yuyue siwang (« rendez-vous avec la mort », 1994), que la critique a inscrite dans le courant dit de la « nouvelle expérience », et qui a contribué à sa première renommée nationale, elle aborde, sur le mode du reportage, le sujet tabou des patients en fin de vie et de leur famille ; elle tente de montrer qu’on peut se préparer à la mort et au travail du deuil avec dignité. Il en est de même pour ses romans qui sont autant d’éloges de la vie que de descriptions scientifiques de maladies souvent mortelles. Son premier roman, Hong chufang (« ordonnance en rouge », 1997), évoque des drogués dans un centre de désintoxication. L’écrivaine poursuit sa mission humanitaire et cathartique avec Zhengjiu rufang (« sauver le sein », 2003), réflexion contemporaine sur l’identité féminine. Depuis la publication de ce roman qualifié de « psychothérapeutique », Bi Shumin insuffle à son œuvre une orientation plus psychologique que médicale. Son métier de psychologue, qu’elle évoque dans un récit intitulé Nü xinlishi (« femme psychologue », 2007), l’amène à publier un grand nombre de textes, surtout appréciés par le lectorat féminin. En qualité de praticienne, elle s’exprime sur les problèmes quotidiens qui génèrent le mal-être des gens, et se propose, comme l’indiquent clairement ses dernières publications, de « prescrire des remèdes au cœur » et de « déchiffrer le code du bonheur ».
QIN HAIYING