Fille du cinéaste et fermier d’origine suisse, Alberto Perrin, Carmen Perrin émigre en Suisse à l’âge de 6 ans, fuyant la dictature bolivienne. Diplômée de l’École supérieure des beaux-arts de Genève en 1980, où elle enseigne par la suite, elle commence sa carrière en réalisant des sculptures reposant sur l’expérimentation des interactions entre les possibilités physiques des matériaux – principalement des éléments industriels (fil de fer, caoutchouc, chambres à air, briques) – et les potentialités du corps de l’artiste (Sans titre, 1986). La mise en forme de la matière brute à partir de gestes élémentaires crée une « écriture spatiale », faite de pleins et de vides, qui révèle, sur le mode de la mise en tension, l’architecture et l’histoire du lieu dans lequel elle s’insère. À partir des années 1990, C. Perrin intervient à plus grande échelle, souvent in situ ; mais qu’il s’agisse de constructions éphémères dans des lieux d’exposition ou d’interventions pérennes dans l’espace public, on retrouve les éléments constitutifs de son langage plastique : l’usage presque expérimental de matériaux industriels confrontés à la mesure de son propre corps, la volonté de prendre la mesure d’un lieu, l’intérêt pour le « marquage » d’un territoire (Contextes, 2004). Ses interventions sont souvent réalisées en collaboration avec des architectes : Daniele Marquès pour la maternité de Lucerne en 1996-1997 ; Georges Descombes à Grenay dans le Pas-de-Calais (Bleu Grenay, 2009), où l’esplanade est revêtue d’un tapis de pierre bleue, dont l’aspect change selon le climat et l’ensoleillement. Par la suite, elle continue son expérimentation de son propre corps dans l’espace qui l’environne, en intégrant le dessin : les Tracés tournés, série commencée en 2008, sont de grands dessins au graphite, où les cercles sont tracés à l’aune de l’envergure de son corps. C. Perrin en parle elle-même comme d’un travail de sculpture : « En travaillant, j’ai vraiment l’impression de faire “monter” un dessin, comme le céramiste fait monter la forme d’un pot en argile entre ses mains. »
Claire BERNARDI
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