Romancière exceptionnellement prolixe (160 œuvres publiées, pour la plupart des fictions), fondatrice et éditrice du Monthly Packet, journal de propagande morale destiné à un public féminin anglican, Charlotte Mary Yonge, redécouverte par la critique anglaise contemporaine, a contribué à définir un idéal de féminité typiquement britannique que les écoles victoriennes, attachées à forger avant tout le caractère de leurs élèves et à former de bonnes épouses, mirent un zèle particulier à enseigner. Typique de ces Anglaises que leurs pères, convaincus de l’égalité intellectuelle des sexes, n’entendaient pas cantonner aux tâches ménagères, elle fut, dès son plus jeune âge, abreuvée de textes latins et grecs et rompue aux théories d’Euclide. Il lui en resta un goût pour l’étude qu’inlassablement, elle tenta d’inculquer aux jeunes enfants à l’école du dimanche de sa paroisse pendant soixante et onze ans. Elle mit aussi son art au service de ses convictions religieuses. Activement impliquée dans le Mouvement d’Oxford (mouvement anglican proche de l’Église catholique mené par le cardinal Newman), elle profita du succès de ses romans pour faire don de sommes généreuses à des œuvres caritatives, participant par exemple au financement d’un navire missionnaire en Mélanésie. Ses romans eurent un grand retentissement dans les classes populaires et ses pairs, dont Lewis Carroll, William Morris ou Tennyson, acclamèrent ses qualités. Il faut lire L’Héritier de Redclyffe (1853), unanimement salué par la critique (tout comme d’ailleurs son formidable travail d’érudition, History of Christian Names, 1863), mais aussi A Book of Golden Deeds (1864), The Clever Woman of the Family (1865) ou The Daisy Chain (1890). Ses personnages chevaleresques furent une source d’inspiration pour la confrérie préraphaélite.
Martine MONACELLI