Après des études de littérature française à Shanghai, Ying Chen s’exile à Montréal en 1989. Ses trois premiers romans, associés au courant des écritures migrantes, se déroulent en Chine et traitent notamment des thèmes de la mémoire et de l’exil. La Mémoire de l’eau (1992) relate l’histoire d’une famille marquée par la chute du système impérial chinois et par la montée du communisme. Les Lettres chinoises (1993) se composent principalement d’un échange épistolaire entre deux amants que l’exil a séparés. L’Ingratitude (1995), le plus grand succès de l’auteure, s’attache aux réflexions d’outre-tombe de Yan-Zi qui tenta d’échapper à l’empire maternel et de se soustraire aux devoirs sociaux qui l’étouffaient. Ce roman reçoit en 1996 le prix Québec-Paris, le prix des Lectrices de Elle Québec et le prix des Libraires. Avec Immobile (1998) et Le Champ dans la mer (2002), l’auteure renonce aux référents socioculturels et adopte une poétique du dépouillement. Ses personnages féminins ont connu plusieurs vies antérieures, flottent, sans origine et sans appartenance, entre différentes époques, et n’arrivent guère à adhérer aux valeurs de la société contemporaine. Querelle d’un squelette avec son double (2003) donne à lire une conversation éthérée entre deux entités, voix plus que corps, se livrant à une étrange joute oratoire. Dans l’un de ses derniers romans, Le Mangeur (2006), l’écrivaine renoue avec le récit de filiation en se penchant cette fois sur les relations troubles qu’entretiennent une fille et son père.
Martine-Emmanuelle LAPOINTE