À l’âge de 7 ans, après le divorce de ses parents, Christine Spengler est envoyée à Madrid chez ses oncle et tante, diplomates. Elle y étudie la littérature française et espagnole au lycée français, rêvant de devenir écrivain. Au Tchad, à l’âge de 25 ans, avec le Nikon qu’elle emprunte à son frère Éric, elle découvre sa vocation en photographiant des combattants Toubou armés de kalachnikovs partant au front main dans la main. Elle apprend son métier sur le terrain, devenant à la mort de son frère l’une des premières femmes correspondantes de guerre. Désireuse de témoigner des deuils du monde faisant écho au sien, elle se place délibérément du côté des opprimés et des marginaux. Avec son appareil photo et un objectif grand angle de 28 mm, elle couvre en noir et blanc pour les agences Sipa Press, Associated Press et Corbis Sygma les soulèvements armés et les guerres en Irlande du Nord (1972), au Vietnam (1973), au Cambodge (1974), au Sahara occidental (1976/1979), au Salvador (1980), au Nicaragua (1981), au Liban (1982), au Kosovo, en Afghanistan (1997), en Irak (2003). En 1979, à Téhéran, lors de la révolution islamique, le fait d’être une femme portant le voile et vêtue de noir lui donne accès à de nombreux lieux interdits à ses collègues masculins. Loin du sensationnalisme ou du macabre, elle s’attache aux survivants dont elle capte, avec une sensibilité particulière, la force et la dignité. Ses photos ont été publiées dans les plus grands magazines du monde, Life, Time, Paris-Match, El País… À chaque retour de reportage, comme pour exorciser la violence, elle réalise des photomontages, natures mortes baroques et colorées inspirées par sa mère, l’artiste surréaliste Huguette Spengler, et par les grands maîtres du musée du Prado qui ont habité son enfance. Ces œuvres lui valent une nouvelle reconnaissance internationale. En 2003, les éditions Marval publient deux beaux livres présentant ses photos, Années de guerre, 1970-2002, et Vierges et toreros, avec des calligraphies originales de Christian Lacroix.
Carmen FERNANDEZ
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions