Dès 1975, Cristina Alberdi crée un collectif juridique féministe au barreau de Madrid, El Seminario colectivo feminista. Elle défend des militants et militantes antifranquistes emprisonnés à Madrid. Elle publie Aborto : sí o no (« avortement : oui ou non », 1975) et Análisis de la realidad jurídica en torno a la mujer (« analyse de la réalité juridique relative aux femmes », 1982). Au moment des premières élections libres de 1977, le séminaire, qu’elle anime avec notamment Angela Cerrillos et Consuelo Abril, s’engage dans la rédaction d’articles préparatoires à la nouvelle Constitution, destinés à éliminer toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes. N’étant finalement pas invitées à participer à la rédaction finale, ces féministes vont mener une campagne très active et très politique auprès des rédacteurs. Elles font valoir qu’il ne saurait y avoir de véritable démocratie sans égalité entre femmes et hommes, et que la Transition démocratique se doit de mettre fin au système patriarcal et autoritaire hérité de Franco. Leurs actions et la mobilisation du mouvement des femmes, ancré à gauche, se concluent par l’inscription dans la Constitution de 1978 des principes d’égalité et de non-discrimination en raison du sexe. De 1985 à 1990, C. Alberdi est la première femme membre du Conseil général du pouvoir judiciaire. Ministre des Affaires sociales de 1993 à 1996, elle veut réformer les lois des codes civil et pénal infériorisant les femmes et défend le divorce. En 1995, l’Espagne ayant la présidence de l’UE, elle est la porte-parole des pays de l’union à la Conférence de l’Onu sur les femmes à Pékin. Elle se montre inflexible face aux menaces de régression des droits que certains États à caractère religieux font planer sur la plateforme internationale publiée à l’issue de la conférence. Entrée au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) en 1995, elle est députée en 1996 et préside de 1997 à 2000 la fédération socialiste madrilène. Elle quitte le PSOE en 2003 sur des désaccords politiques. En 2004, elle est nommée présidente de l’Observatoire contre la violence de genre dans la Communauté autonome de Madrid et fait partie du Conseil consultatif de Madrid. En 2004, soit presque trente ans après la fin du franquisme, la décision du président José Luis Zapatero (PSOE) d’instaurer une parité effective au sein de son équipe et de nommer une femme – María Teresa Fernández de la Vega* – à la vice-présidence de même que la loi organique contre les violences faites aux femmes (l’une des plus complètes d’Europe) et l’obligation faite aux partis de respecter des quotas – inscrite dans la loi électorale en 2007 – apparaissent comme l’aboutissement du long processus de conquête de leurs droits par les femmes, dès l’aube de la Transition démocratique en Espagne.
Yannick RIPA