L’œuvre d’Elizabeth Peyton rencontre un écho immédiat au début des années 1990 et contribue alors au renouveau de la peinture figurative. Sa première exposition new-yorkaise en 1993, au légendaire Chelsea Hotel, marque un tournant dans sa carrière. Ses petits formats, des portraits, dégagent une technique picturale remarquable, des traits rapides, tranchants, un sens des couleurs qu’elle tient en partie des dessins de David Hockney. On y décèle l’originalité de son projet : une véritable fascination pour les stars et leur aura, pour la beauté et l’adolescence, obsession qui croise avec force celle d’Andy Warhol et de la société contemporaine, hantée par l’impossible retour de la jeunesse. Sa galerie de portraits, réalisée à partir de ce geste séminal, est constituée d’hommes jeunes, principalement modèles, qu’elle choisit parmi ses amis, des personnages historiques de la monarchie européenne et des célébrités populaires. Réalisés à l’huile dans une touche épaisse, rapide et colorée, ces tableaux ont toujours pour origine une photographie. L’artiste peint d’abord les détails du dessin, avant de passer une couche de base, utilise toujours les mêmes petits formats (toile et surtout carton préalablement enduits afin de supporter la couleur) et intitule ses peintures par le seul prénom du personnage représenté. Son tableau de Kurt Cobain rappelant un peu les chérubins de la Renaissance révèle l’intensité, l’émotivité avec laquelle elle cherche à sublimer un moment précis du destin de ses sujets, leur beauté idéale, ce moment ambigu pris entre l’intime et le voyeurisme de la vie publique. Anticipant, en quelque sorte, sur le mouvement de « peopolisation », elle intègre le phénomène de fétichisation, tout en évitant la distance, la dimension critique et discursive que l’on voudrait lui attribuer. Parlant de son travail et de l’usage qu’elle fait de la photographie, la peintre dit : « Chercher à concevoir une image d’image, à saisir ce qui se cache derrière l’expression. Tout passe si vite sur un visage et disparaît aussitôt. Les photos n’y peuvent rien. Dans l’esprit, la mémoire, peut-être, mais c’est différent. Je pense que les visages peuvent tout révéler. » (2005)
Stéphanie MOISDON