Connue pour avoir diffusé aux États-Unis une géographie humaine inspirée du géographe allemand Friedrich Ratzel, alors que seule la géographie physique y était dispensée, Ellen Churchill Semple a contribué à l’institutionnalisation de la géographie américaine. Au cours d’une longue carrière d’enseignante, de chercheuse et de conférencière, elle a occupé en pionnière des positions remarquables : étudiante à l’université de Leipzig, acceptée par les professeurs en séminaires de géographie, d’économie et de statistiques (1891 et 1895), à un moment où aucune femme ne pouvait être inscrite officiellement, elle devient élève et traductrice de F. Ratzel. Membre fondateur de l’Association of American Geographers (1904) aux côtés de William Morris Davis (présidente en 1921), enseignante, dès sa création, au département de géographie de l’université de Chicago (1906-1924), puis première professeure d’anthropogéographie à Clark, Massachusetts (à partir de 1921), elle a enseigné à une bonne partie de la deuxième génération des géographes américains. Ses premières publications ont été bien accueillies en Grande-Bretagne et aux États-Unis, car elle tentait de justifier l’existence d’une discipline scientifique attachée à l’étude de l’influence des conditions d’espace et de milieu sur les modes de vie des groupes humains et sur la croissance des États. En cela, elle contribuait à la promotion de l’anthropogéographie et de la géographie politique, que plusieurs géographes européens développaient également, mais en accordant à la liberté humaine ou aux contingences de l’histoire un rôle inégal. En France, elle a été l’objet de vives critiques en raison d’une réputation de géographe « déterministe ».
Marie-Claire ROBIC