Orpheline à l’âge de 17 ans, avec l’accord de ses tuteurs, Emily Carr part à San Francisco, où elle intègre la California School of Design. Des dessins, réalisés lors d’une visite à la mission presbytérienne d’Ucluelet, préfigurent le grand projet qui animera toute son œuvre : peindre les grands paysages canadiens et représenter le patrimoine autochtone, comme par exemple la réserve Squamish, près de Vancouver. Sa découverte des sculptures monumentales indigènes – les mâts totémiques –, au cours d’un voyage en Alaska en 1907, est décisive, de même que son séjour en France l’année suivante, où elle suit l’enseignement du peintre canadien Harry Phelan Gibb et de l’aquarelliste Frances Hodgkins*. Initiée au postimpressionnisme, influencée par les fauvistes, elle déploie un style qui s’éloigne peu à peu des codes de la tradition britannique et devient plus expressif. À l’heure où les artistes s’intéressent aux motifs africains et océaniens, E. Carr y voit un renouvellement des principes de représentation, purement esthétiques, et non pas un intérêt thématique. Sa technique picturale se transforme, comme en témoignent ses petits paysages : économie de détails, lignes de contour plus fortes, maîtrise nouvellement affirmée dans les représentations humaines, liberté de la touche. Malgré son abondante production d’aquarelles et de tableaux durant cette période, le succès demeure incertain ; elle consacre alors les quinze années suivantes à la gestion d’une pension à Victoria. Ce n’est qu’en 1927 que sa carrière connaît un tournant décisif, alors qu’elle expose au musée des Beaux-Arts du Canada, en compagnie du groupe des Sept, dans lequel elle rencontre le soutien de Lawren Harris. À son retour sur la côte Ouest, E. Carr réalise un grand nombre de tableaux, dont l’esthétique et la puissance vont définitivement l’imposer. Alors que sa santé décline et qu’il lui devient plus difficile de travailler, elle écrit. Ses textes autobiographiques récoltent un succès immédiat auprès d’un public qui s’était toujours montré réticent face à sa peinture.
Esther BUITEKANT
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions