Esther Ferrer commence sa carrière artistique en rejoignant en 1967 le groupe Zaj (1964-1996), composé de Walter Marchetti et Juan Hidalgo. Très actif jusqu’à la moitié des années 1970, le collectif est à l’origine de nombreux concerts, actions, publications et installations. Ce mouvement, très proche de Fluxus, est sans doute moins spectaculaire : il fonde son art sur des gestes minimalistes, des objets ordinaires et est tributaire de l’influence de John Cage et de Marcel Duchamp. Dès 1967, E. Ferrer est invitée aux plus prestigieux festivals pour ses performances en temps réel mais non improvisées. Elle écrit des textes, telles des partitions avec notes et dessins ; ses gestes mesurés s’organisent de façon musicale et poétique, comme dans Canon para 4 sillas, 1 mesa y 1 ventilador (« action pour quatre chaises, une table et un ventilateur ») au Wilhelm-Hack Museum de Ludwigshafen (Allemagne) en 1996. À partir des années 1970, elle travaille aussi avec la photographie, le dessin, et réalise des toiles à partir de travaux antérieurs, assurant une continuité entre les performances et son travail plastique. Dans ses installations ainsi que dans ses actions, elle place des objets ordinaires dans l’espace pour créer des situations absurdes. Dans la performance Las Cosas (jouée depuis 1985), l’artiste assise sur une chaise met des objets sur sa tête, par exemple un cadre de tableau, et les garde en un équilibre précaire. Avec ses constructions insolites, elle élabore un ordre éphémère. Chaises, jouets, enveloppes, valises sont rachetés ou retrouvés, replacés et transformés chaque fois que l’installation est réalisée, comme dans la vie, en marquant ainsi le passage du temps, dimension que l’on retrouve dans plusieurs de ses travaux dont le célèbre Autoretrato en el tiempo (« autoportrait dans le temps », 1981-1999), portrait photographique dont une moitié porte une date différente de l’autre. Ironique et austère, son art a été à plusieurs reprises défini comme une forme particulière de minimalisme mélangeant rigueur et folie.
Annalisa RIMMAUDO
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions