Issue de la première génération des artistes conceptuels polonais, Ewa Partum a ouvert la voie à la performance féministe et au body art, témoins de l’engagement politique de l’ancienne Europe de l’Est. Affirmant que « tout acte de la pensée est un acte de l’art », elle met l’accent sur l’économie politique des signes et la matérialisation du langage dans ses actions et installations dans l’espace public, ainsi que dans ses œuvres de mail art ou de poésie visuelle ou « active ». En 1983, après avoir enfin obtenu son visa de sortie, elle quitte la Pologne et déménage à Berlin. Au début des années 1970, après ses études à Łódź et Varsovie, elle fonde, dans son propre appartement, la galerie Adres, consacrée à l’art conceptuel, au mail art et à la théorie, qui sera active pendant cinq ans. À la même période, elle crée ses premières installations et actions liées à la poésie, dans l’espace public ou un environnement naturel : dans The Legality of Space (1971) et Poem by Ewa (1971), les lettres qui forment ses poèmes sont découpées et jetées à la mer ou dans la rue. En 1976, elle réalise Drawing TV, une performance vidéo dans laquelle elle dessine les lignes et silhouettes d’une émission de télévision sur l’écran, avec un feutre. Dès 1974, l’artiste crée le premier volet de Change, une des performances féministes fondatrices, à laquelle fait écho, quatre ans plus tard, Change : My Problem Is a Woman’s Problem (1978-1979). Dans ces deux installations, une visagiste maquille en les vieillissant une moitié du visage et du corps de l’artiste, qui qualifie son corps d’« œuvre », à la fin de la performance. En 1980, elle produit sa célèbre série de photomontages, Auto-Identification, née de sa protestation contre le rôle standardisé de la femme dans une société communiste à dominante patriarcale : elle s’y promène dénudée, dans divers lieux publics, notamment devant le bâtiment du Parlement communiste, près d’une statue commémorative de Varsovie. Le gouvernement interdit la publication de cette œuvre pendant un an. Quelques années plus tard à Berlin, l’artiste se montre de nouveau nue, devant le fameux mur, tenant dans ses mains les deux lettres W (West) et O (Ost) (Ost-West-Schatten, 1984).
Nataša PETREŠIN-BACHELET
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions