De retour des Antilles, à 16 ans, la petite-fille d’Agrippa d’Aubigné se trouve pauvre au point de devoir choisir entre le couvent ou le mariage que lui offre le poète infirme Paul Scarron. La « Belle Indienne » fait rapidement figure à la Cour, et reprend une instruction négligée, au contact des écrivains (Chapelain, Ménage, Benserade) qui fréquentent la « chambre jaune » de son spirituel mari. Célébrée dans les derniers volumes de
Clélie, « précieuse » selon Somaize, elle côtoie
Mmes de Lafayette*, de Sévigné*,
Ninon de Lenclos*. Veuve en 1660, elle est discrètement chargée à partir de 1669 de l’éducation des enfants de Louis XIV et de M
me de Montespan. En 1683, « M
me de Maintenant » épouse secrètement le roi. En 1686 s’ouvre à Saint-Cyr la Maison royale d’éducation de Saint-Louis, fruit d’une longue méditation de la désormais marquise sur l’éducation des filles pauvres de la noblesse. Entre l’ambition (inspirée entre autres par M
lle de Scudéry*) d’une éducation séculière, voire mondaine, fondée sur la raison et attentive à l’individu, et la nécessité (en accord avec Fénelon) de former des épouses chrétiennes conscientes des devoirs de leur sexe et de leur condition, la pédagogie de Saint-Cyr est novatrice dans son esprit autant que dans ses formes : la conversation et le théâtre y jouent ainsi un rôle inédit à ce point dans l’éducation des filles. Les représentations d’
Esther (1689) et d’
Athalie (1691) constituent des moments marquants de ce laboratoire pédagogique, vite dénoncé : contre le rêve initial de M
me de Maintenon et dans les remous de la querelle de la moralité du théâtre et de l’affaire du quiétisme, le moule conventuel reprend ses droits en 1692. L’influence politique de la marquise reste amplement discutée : « Votre Solidité » (l’aurait surnommée le roi), « une autre Esther dans la faveur » (selon Vertot), ou bien « la Pantocrate » que fustige
Élisabeth de Bohême*
(Correspondance), « Tartuffe en jupons » faisant révoquer l’édit de Nantes et bannir les Comédiens-Italiens ? La précoce « légende noire » autour de la marquise (chansons, libelles, histoires secrètes, comédies satiriques…) a suscité des apocryphes (les
Lettres forgées par La Beaumelle) masquant un important déficit éditorial. Le livre à succès bien documenté de
Françoise Chandernagor* (
L’Allée du Roi, 1981) a permis une réévaluation du personnage, dont l’œuvre intéresse désormais la critique à plus d’un titre.
Myriam DUFOUR-MAÎTRE