Septième enfant d’une famille de paysans de la Drôme, Françoise Vergier fait des études d’art à Avignon, puis vit au Havre et à Paris, avant de s’installer près de Grignan, où elle construit une maison-atelier face à un splendide paysage provençal. Cet enracinement et cet attachement à la terre, au jardin, au spectacle de la nature, marqueront durablement son travail. Cette artiste singulière se situe, selon ses dires, « dans l’entre-deux, entre peinture et sculpture, masculin et féminin, corps et paysage, mort et vie ». Depuis ses premières sculptures en bois de tilleul peint des années 1990 jusqu’aux installations récentes, marquées par l’hybridité, mêlant constructions de bois, objets de céramique et breloques fétichistes (Conversations avec une âme défunte, 2008), toute son œuvre parle du féminin, de l’érotisme, de la naissance et de la disparition, car F. Vergier croit aux vertus thérapeutiques de la création artistique, au pouvoir magique de l’art, qui peut apaiser, lutter contre les forces destructrices et nous réconcilier avec le monde. D’origine souvent autobiographique (allusions à la maternité, à la mort des parents, aux souffrances de l’amour), ses sculptures-objets puisent, cependant, aux sources archaïques universelles et font référence aux mythes anciens comme celui de la déesse-mère. Lors de son exposition en 1995 au Centre Georges-Pompidou, elle présente une série de femmes sculptées en bois peint, avec divers attributs et aux poses hiératiques ; elle les appelle L’Insondable, l’Étrange, la Délicieuse, la Repoussante, qualificatifs donnés aux femmes par Arthur Rimbaud dans la Lettre du voyant. Après avoir confié pendant un temps la réalisation de ces sculptures à un artisan, elle décide de façonner elle-même ces corps féminins et se met à la céramique émaillée ; surgissent alors des torses et têtes de femmes, recouverts de paysages peints ou de diverses breloques, évoquant les fétiches africains. Après la terre, le verre… Au Cirva (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques, Marseille), F. Vergier réalise de nombreuses pièces en verre soufflé, matériau qui lui permet de donner forme aux éléments immatériels, comme le vent. Parallèlement à ses œuvres en volume qui rappellent certains objets surréalistes par leur côté provocateur alliant beauté, raffinement, préciosité et monstruosité, elle dessine de grands paysages au fusain, dans lesquels elle imbrique des formes de collines, de champs et de fragments de corps. Il s’agit pour elle d’un paysage mental qui évoque, néanmoins, le style de la peinture chinoise. En 2004, une exposition rétrospective au Carré d’art à Nîmes, intitulée Le Paysage, le Foyer, le Giron et le Champ, lui donne l’occasion de déployer la richesse de son vocabulaire plastique et de témoigner de ses références à Michel Onfray, Peter Sloterdijk ou Diogène. Échappant à toute catégorisation et mélangeant les genres, les sculptures de 2007-2008 sont constituées d’assemblages d’objets et mobiliers hétéroclites, qui suggèrent des rites funéraires, comme l’hommage aux parents morts, qui présente deux petits crânes posés sur une sorte de conque recouverte de cuir.
Marie-Laure BERNADAC
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions