En 1915, Gianna Manzini s’établit à Florence, où elle se destine à la carrière d’enseignante. Après l’échec de son mariage, elle se lie avec le critique Enrico Falqui. Son premier roman, Tempo innamorato (« le temps de l’amour », 1928), reflète l’atmosphère grise des amours impossibles et de la mort, tout en témoignant déjà d’une attention minutieuse à l’égard des détails, d’une temporalité complexe et du dialogue entre le narrateur et ses personnages. Plusieurs recueils de récits suivront : Incontro col falco (« la rencontre avec le faucon », 1929) et Bosco vivo (« bois vivant », 1932), où elle expérimente différentes techniques narratives qui lui permettent de s’attacher aux objets les plus modestes, aux plantes et aux animaux. Parallèlement, elle dirige la revue Quaderni Internazionali di Prosa, qui s’intéresse aux écrivains européens et américains, collabore à Lettura, le supplément mensuel du quotidien Il Corriere della sera, puis à Giornale d’Italia et à Oggi. Parmi ses œuvres, Un filo di brezza (« une brise légère », 1936), volontairement inachevé, se situe à mi-chemin entre le roman et le récit. Dans Rive remote (« rivages lointains », 1940), s’amorce un dialogue avec son père et sa mère et une réflexion sur la mort. Lettera a un editore (« lettre à un éditeur », 1945) mêle le récit autobiographique, l’essai et le roman. En 1953 paraissent Animali sacri e profani (« animaux sacrés et profanes ») et Il valzer del diavolo (« la valse du diable »), voyage dans le passé inauguré à la vue d’une blatte, emblème d’un monde souterrain à explorer et à dépasser pour renaître. Foglietti (« feuillets », 1954) réunit des portraits d’artistes tels que Giuseppe Ungaretti et André Gide. L’Épervière (1956), roman empreint de symbolisme, plonge ses racines dans l’enfance du protagoniste. Cara prigione (« chère prison », 1958), Un’altra cosa (« une autre chose », 1961) et Allegro con disperazione (« allegro désespéré », 1965) témoignent d’un travail d’épuration et d’allégement des textes. Un’altra cosa (« une autre chose ») analyse le rôle de la femme écrivain, les risques de compromis, de passivité et de dégradation que ce rôle sous-tend et les moyens mis en œuvre pour les vaincre. Dans ses deux livres suivants s’entrecroisent, par le canal de la mémoire, la perception sensorielle et l’analyse intérieure : dans Portrait en pied (1971, prix Campiello), l’écrivaine trace le portrait de son père, anarchiste persécuté par les fascistes ; dans Sulla soglia (« sur le seuil », 1973), elle aborde des questions qui lui sont chères – la polysémie, l’interprétation, la dimension autre et le dialogue instauré avec les morts, à tel point que l’ordre temporel en est bouleversé. G. Manzini a également publié des impressions de voyage en Grèce, en Irlande, en Hollande et dans les pays scandinaves.
Graziella PAGLIANO