Issue d’une modeste famille juive composée de cinq enfants, Gisèle Halimi est née en Tunisie, alors sous protectorat français. Insoumise et révoltée dès son plus jeune âge, elle est très tôt confrontée à l’expérience de la mort, celle d’André, son frère, brûlé vif devant elle dans leur maison de La Goulette, dans la banlieue de Tunis. « Défense d’en parler. Défense de se souvenir. Défense absolue d’évoquer ce sujet, sous aucun prétexte », écrit-elle dans Le Lait de l’oranger (1988), évoquant cette tragédie que les parents, dévorés par la culpabilité, scelleront par le silence et qui, pourtant, est quasi omniprésente dans les textes autobiographiques de l’écrivaine. Après de brillantes études à Tunis, elle quitte son pays natal en 1945 pour s’inscrire à la Sorbonne. Munie de ses licences de droit et de philosophie, elle retourne en Tunisie en 1949 et s’inscrit au barreau de Tunis. En 1956, elle s’installe définitivement à Paris, où elle poursuit sa carrière d’avocate. Dans ses textes autobiographiques, G. Halimi retrace son parcours personnel et professionnel et revient sur le milieu où s’est déroulée son enfance. Dans Le Lait de l’oranger, premier volet de son autobiographie, elle évoque son père, Édouard « le magicien », dont elle était la préférée, qui lui manifestait tout son amour et qui lui manifestera, plus tard, son admiration. Fritna (1999), le deuxième volet, est centré sur la figure de la mère, Fortunée, dite « Fritna », juive d’origine espagnole dont l’auteure trace un portrait sévère ; elle est décrite comme dépourvue de toute forme de tendresse à l’égard de ses filles, réservant celle-ci exclusivement à ses fils. G. Halimi tente d’y analyser la blessure psychologique provoquée par le manque d’amour maternel tout en remettant en question la relation mère-fille. De ces œuvres de souvenirs se dégage une des constantes de son action, celle de prouver que la femme est capable de faire et d’agir tout comme l’homme, qu’elle est l’égale de l’homme, et que, parce que son égale, elle mériterait elle aussi l’amour de celle qui a « refusé tout contact physique qu’un enfant exige de sa mère ». G. Halimi sera l’une des principales avocates du FLN algérien et dénoncera fréquemment les horreurs pratiquées par l’armée française durant la guerre d’Algérie, comme la torture et le viol, défendant notamment la militante algérienne qui en avait été victime, en cosignant avec Simone de Beauvoir* un livre, Djamila Boupacha (1962). Son militantisme en faveur des droits de la femme se concrétise par la signature du Manifeste des 343* en 1971 et la création, la même année, avec S. de Beauvoir toujours, du mouvement féministe Choisir la cause des femmes* ; ce mouvement jouera un rôle fondamental dans le procès de Bobigny (1972), qui contribuera à la dépénalisation de l’avortement. Elle s’engage dans la lutte pour la parité hommes-femmes dans la vie publique et professionnelle et commence, à partir de 1981, une carrière de députée puis d’ambassadrice déléguée de la France auprès de l’Unesco.
Ramla AYARI