Aînée de cinq enfants, Hannah Höch est issue d’un milieu provincial. En 1904, ses parents l’obligent à abandonner le lycée pour s’occuper de sa petite sœur, retardant ainsi les études d’art qu’elle voulait entreprendre. Elle s’exerce alors à l’aquarelle et au dessin, en prenant pour modèles les paysages avoisinants ou les membres de sa famille. En 1912, elle entre enfin à l’école d’arts appliqués de Charlottenburg à Berlin. Sous la direction d’Harold Bengen, elle apprend le dessin sur verre et étudie la calligraphie avec Ludwig Sütterlin ; mais quand la guerre est déclarée, l’école ferme, et la jeune étudiante part travailler pour la Croix-Rouge à Gotha. De retour à Berlin l’année suivante, elle suit les cours de graphisme de l’artiste Emil Orlik et rencontre Raoul Hausmann, marié, avec qui elle entretiendra une liaison jusqu’en 1922. De 1916 à 1926, elle dessine des motifs de crochet et de tricot pour les magazines du groupe de presse Ullstein – une manne pour alimenter ses photomontages. Elle utilise des papiers fragiles, que l’on retrouve dans ses collages à partir de 1920. En villégiature sur la mer Baltique en 1918, l’artiste et R. Hausmann découvrent une pratique populaire consistant à coller l’image de son propre visage sur des photographies de soldats prussiens – source d’inspiration de leurs premiers collages dadaïstes. H. Höch se lie d’amitié avec Hans Arp et Kurt Schwitters, participe aux réunions du groupe November, et, sporadiquement, à leurs expositions annuelles. Dès 1919, elle est aussi active dans les événements dadaïstes organisés à Berlin. En 1920, la revue Schall und Rauch présente en couverture les silhouettes de deux de ses poupées. Malgré le refus de George Grosz et John Heartfield d’admettre la présence d’une artiste femme, elle expose deux œuvres importantes à la première Foire internationale dada : Dada-Runsdchau (1919) et Schnitt mit dem Küchenmesser Dada durch die letzte Weimarer Bierbauchkulturepoche Deutschlands (1919-1920). Outre les principales figures politiques et culturelles de la république de Weimar, on y trouve déjà les thématiques de l’identité et du rôle social de la femme, qu’elle développera au cours des années suivantes. La plasticienne assiste aux lundis d’Arthur Segal ; elle y retrouve Ernst Simmel, Erich Buchholz, Alfred Döblin. En compagnie de l’une de ses sœurs et de la poétesse suisse Regina Ullmann (1894-1961), elle entreprend un voyage en partie à pied, à destination de Rome. De cette expérience naît Roma (1925), une toile où l’actrice Asta Nielsen (1881-1972) congédie d’un geste Mussolini. Entre 1920 et 1930, elle essaie d’exploiter des matériaux et des techniques diversifiés, et réalise une série d’œuvres importantes : un ensemble de collages ethnographiques et un nombre considérable de paysages symboliques. Son travail de photomontage parodie la vie bourgeoise et explore les nouvelles images de la féminité, largement répandues dans la culture médiatique de l’entre-deux-guerres ; il lui permet aussi de déconstruire les notions de race et d’identité sexuelle, en fabriquant des visages hybrides. Elle emploie des objets quotidiens d’usage féminin – rubans, boutons, morceaux d’étoffe, passementerie –, les déformant jusqu’à ce qu’ils deviennent grotesques et menaçants. Elle transfère le principe du montage dans le champ de la peinture, en reprenant certaines de ses toiles précédentes et en y ajoutant d’autres éléments. En 1926, elle rencontre l’écrivaine hollandaise Til Brugman (1888-1958), sa compagne jusqu’en 1935. Elle entre en contact avec le groupe De Stilj, fait la connaissance de Mondrian et de Theo et Nelly van Doesburg (1899-1975), puis adhère à l’Onafhankijke. Elle vit les années de guerre dans la solitude, près de Berlin, cachant dans son jardin des caisses métalliques qui contiennent des œuvres de R. Hausmann, H. Arp, K. Schwitters et les siennes propres, ainsi que des catalogues, des lettres, des revues et documents de la période dada. En 1947, elle reprend lentement son travail d’artiste avec des huiles et des collages, dans lesquels, pour la première fois, apparaissent des photos en couleurs. En 1976, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris et la Galerie nationale d’art de Berlin lui consacrent une grande rétrospective. La plasticienne s’éteint deux ans plus tard.
Catherine GONNARD
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions