Formée à la Tyler School of Art de Philadelphie, considérée comme une pionnière parmi les artistes féministes conceptuelles, Hannah Wilke compose une œuvre faite de sculptures, dessins, collages, photographies, vidéos, performances et installations. Elle se fait connaître dans les années 1960 par ses représentations de vulves, petites sculptures en terre cuite qu’elle déclinera par la suite dans d’autres matériaux. Une grande partie de sa démarche s’appuie sur le retour obsessionnel et exacerbé de sa propre image, en écho aux représentations féminines dans l’art et dans les médias de cette époque. SOS Scarification Object Series (1974-1982) est constitué d’une série de photographies insérées dans une grille, dans lesquelles l’artiste prend des poses glamour, provocantes et artificielles, inspirées par l’imagerie de la mode, qui sont des réponses immédiates à la marchandisation massive des corps des célébrités – souvent féminines – utilisés pour stimuler le désir du consommateur. Sa peau est recouverte de petits bouts de chewing-gum mâchés puis collés. La structure de la grille rappelle la manière dont Andy Warhol encadrait ses images de stars, reproduites en série comme autant de produits. Parmi ses réalisations marquantes figurent Hello Boys (1975), la captation d’une performance réalisée à la galerie Gerald Piltzer à Paris : derrière la vitre d’un grand aquarium, l’artiste, nue, se livre à un répertoire de postures érotiques sur fond de musique rock, suggérant la figure mythologique de la sirène, à la fois sexuellement envoûtante et vulnérable. Cette double stratégie de surexposition et de transparence trouve son aboutissement avec Through the Large Glass (1976), où l’artiste se joue des codes – et de l’histoire de l’art et de la mode –, son style vestimentaire rappelant celui des icônes d’Helmut Newton ou d’Yves Saint Laurent dans les années 1970. Filmée à travers Le Grand Verre de Marcel Duchamp au musée de Philadelphie, elle se livre à un strip-tease, adopte des attitudes sexualisées et décline avec une certaine absurdité tous les schémas de la représentation glamour. Atteinte d’un lymphome dans les années 1990, elle transforme activement son vécu souffrant en l’image d’un exosquelette blessé, où des marques réelles ainsi que des signes construits autour de sa douleur sont exhibés sur son corps et par lui. Par cette transformation, H. Wilke parvient à exprimer une position critique face aux préjugés culturels qui sont rattachés à (l’image de) sa maladie. Elle laisse une œuvre posthume, Intra-Venus (1994), recueil de photographies prises par son mari, Donald Goddard, dépeignant sa lente dégradation physique.
Stéphanie MOISDON
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions