C’est très jeune, à 12 ans, à la mort de sa mère hospitalisée pour une complication gynécologique, qu’Hawa Abdi décide de devenir médecin. Fille aînée, elle doit élever ses quatre sœurs dans des conditions de grande pauvreté mais elle ne renonce pas à son rêve et reçoit le soutien de son père. Dotée d’une bourse, elle part en Union soviétique faire ses études et devient la première femme gynécologue de Somalie. Elle s’engage dans des études de droit. En 1983, elle ouvre une petite clinique, sur les terres familiales, à 30 kilomètres de Mogadiscio. La guerre civile survenant avec son cortège de violences mortelles, en particulier contre les femmes, elle fait de ses 26 hectares de terre un refuge pour les populations déplacées et démunies. 90 000 personnes dont 75 % de femmes et d’enfants y construisent leur maison. La clinique devient un hôpital de 300 lits ouvert gratuitement à tous. Avec un dévouement sans limites, cinq médecins, dont les deux filles du Dr H. Abdi, Deqo et Amina, et 16 infirmières reçoivent chaque jour 400 patients et pratiquent nombre d’opérations chirurgicales. Une école primaire accueille 850 enfants dont une majorité de filles. Le désormais dénommé « Village Hawa Abdi » fournit la seule source d’eau potable gratuite de la région. Il développe un programme d’agriculture durable pour parvenir à l’autosuffisance et lutter contre la famine et le réchauffement climatique, qui devrait faire modèle dans le pays. Appelée avec ses filles les « Saintes de Somalie », H. Adbi a instauré deux règles impérieuses dans cette société de paix qu’elle a créée : l’interdiction des divisions de clans et des divisions politiques, et l’interdiction des violences contre les femmes sous peine de bannissement. Pour elle, les femmes peuvent être des leaders et diriger des communautés ; il faut leur rendre le pouvoir. Leur force est l’espoir de la Somalie, alors que, depuis tant d’années, les hommes ne font que tuer. Elle est pour sa part, et en grande partie parce qu’elle est une femme, en butte à des violences et des menaces de mort de plus en plus pressantes de la part des Shabaab, milices islamistes liées à Al Qaida. Des enlèvements de plusieurs centaines d’enfants ont eu lieu dans le camp ; une partie des terres du Village a été saisie ; elle a elle-même dû momentanément s’éloigner. Mais elle ne renonce pas et continue à développer son œuvre d’intelligence et d’humanité. Elle a reçu de nombreuses distinctions et figurait parmi les nominés pour le prix Nobel de la paix 2012. Le Prix de la liberté d'être à l'abri du besoin, l'un des quatre Prix de la liberté F.D. Roosevelt, lui a été remis en 2014 pour son dévouement et ses actions auprès des femmes de son pays.
Michèle IDELS