Diplômée d’économie politique de l’Université de Varsovie, pionnière d’une presse alternative, Helena Łuczywo œuvre pour l’instauration de médias indépendants et non censurés au sein du bloc soviétique. De 1977 à 1980, malgré les persécutions régulières de la police, elle coédite le premier journal indépendant de Pologne,
Robotnik (« l’ouvrier »), qui disparaît après l’instauration de la loi martiale en 1981. L’année suivante, tout en se cachant, elle fonde la Solidarity News Agency (AS) et dirige, de 1982 à 1989,
Tygodnik Mazowsze (« l’hebdomadaire de Mazovie »), pilier de la presse clandestine et source précieuse d’informations non censurées, qui compte plus de 100 000 lecteurs en 1989. Ne reculant devant aucun sujet, H. Łuczywo y publie de très nombreux articles, le plus souvent anonymes. Invitée en 1986 au Bunting Institute of Radcliffe College, aux États-Unis, elle s’enthousiasme des libertés et de l’offre de médias puissants et indépendants dont bénéficient les Américains. À la chute du mur de Berlin, elle négocie avec le gouvernement pour imposer l’idée d’une presse non subordonnée au pouvoir. Avec la collaboration d’Adam Michnik, autre figure importante de la presse clandestine, elle crée la
Gazeta Wyborcza (« la gazette électorale »), premier journal d’opposition légal de tout le bloc soviétique, qui tire aujourd’hui à 560 000 exemplaires. Soucieuse d’atteindre un large public et de faire des bénéfices afin que le titre demeure indépendant, elle en adapte l’offre avec, entre autres, des suppléments, des conseils de consommation et des éditions régionales. Au cours des années 1990, avec son amie Wanda Rapaczinsky, revenue de New York, elle transforme la gazette en un géant des médias polonais : la société Agora, qui regroupe journaux, stations de radios et chaînes de TV câblées. Ses larges profits et sa politique généreuse envers ses employés en font un modèle d’économie de marché.
Audrey CANSOT