Ilse Hellman est la plus jeune de trois enfants d’une famille aisée de Vienne. Ses parents participent à la vie culturelle et soutiennent les arts, et des artistes comme Hugo von Hofmannsthal, Richard Strauss et Gustav Mahler fréquentent leur salon viennois. I. Hellman s’est intéressée très tôt aux problèmes des enfants et suit pendant deux ans une formation pour l’étude de la délinquance chez les jeunes. Elle vient en France, où elle travaille près de Paris dans une maison pour enfants en difficulté en suivant, dans le même temps, des cours de psychologie à la Sorbonne. Rentrée à Vienne, elle continue ses études de psychologie avec Charlotte Bühler, à l’université, dans le département où cette dernière enseignait la psychologie de l’enfant ; elle y rencontre une autre grande spécialiste de l’enfance, Susan Isaacs*, avec qui elle se lie d’amitié. I. Hellman part en Angleterre après son doctorat, en 1937, pour participer, avec C. Bühler, à un projet de recherche sur des enfants déficients mentaux. Au début de la Seconde Guerre mondiale, I. Hellman sera appelée, comme plusieurs autres psychologues, par le Home Office afin de s’occuper des enfants évacués de Londres qui, éloignés de leurs parents, souffrent de troubles du sommeil et refusent de s’alimenter. Elle participe ainsi à la création de foyers d’accueil. En 1942, elle rejoint Anna Freud* à Londres dans les War Nurseries qui accueillaient des enfants traumatisés par les bombardements. Elle vit dans un foyer avec un petit groupe d’enfants, étudie leur développement et acquiert, à cette occasion, une incomparable expérience qui lui permettra de comprendre les effets de la séparation sur les enfants et de trouver les moyens d’en limiter les conséquences traumatiques. Elle continuera, longtemps après, à suivre ceux qu’elle appelait toujours affectueusement ses « bébés de guerre ». Elle entreprend en parallèle une analyse et intègre la Société britannique de psychanalyse dans laquelle elle fera partie du groupe d’A. Freud, tout en restant liée à Melanie Klein* et à Donald Winnicott. C’est avec A. Freud et Dorothy Burlingham* qu’elle travaillera à la célèbre Hampstead Child Therapy Clinic, spécialisée dans l’étude du développement normal ou pathologique de l’enfant. Elle s’y voit confier le service des adolescents et établit, avec Liselotte Frankl, un programme de recherche sur l’adolescence. Elle publiera plusieurs études sur les difficultés propres à cet âge et sera également une enseignante fort appréciée de ses élèves qu’elle soutenait dans leur travail clinique. C’est au lendemain de la guerre qu’elle apprend la mort en camps de concentration de sa mère et de son frère. Elle épouse Arnold Noach, qui avait survécu à l’occupation nazie en se réfugiant aux Pays-Bas et qui devait devenir enseignant à l’université de Leeds. Ses nombreuses compétences lui ont valu une réputation internationale. Ayant marqué toute une génération d’analystes et forte de la confiance des jeunes générations, elle se présentera souvent comme « une grand-mère de la psychanalyse », terme qu’elle a repris dans le titre de son livre, Des bébés de la guerre aux grands-mères.
Nicole PETON