L’association américaine ACM (Association for Computing Machinery) a décerné le prix Turing (le « Nobel de l’informatique ») à deux femmes, en 2006 et 2008. La première, Frances Elizabeth Allen, est une informaticienne née en 1932 aux États-Unis. Elle s’est endettée de manière importante pour obtenir un master en mathématiques, puis est entrée chez IBM en 1957 où elle est restée jusqu’en 1997. Au début des années 1980, elle a fondé le groupe Parallel Translation (PTRAN) afin d’étudier les problèmes liés à la compilation pour les architectures parallèles. F. Allen écrit les algorithmes qui mettent en place les technologies à la base de la théorie de l’optimisation des programmes, largement utilisés dans les compilateurs modernes, et c’est pour ces travaux qu’elle est non seulement la première femme à obtenir le prix Turing, mais aussi la première à devenir IBM Fellow.
La deuxième femme récompensée par ce prix est Barbara Liskov, professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT), où elle dirige le laboratoire de méthode de programmation. Elle est la première femme à avoir obtenu un doctorat en informatique à l’université Stanford, en 1968. Elle a jeté les bases des langages de programmation orientés objets en introduisant des structures abstraites pour la gestion des données. En 1974, elle a créé le langage CLU, que l’on peut considérer comme un ancêtre des langages orientés objets actuels. Par la suite, elle a travaillé sur les systèmes informatiques distribués en créant un langage de programmation (Argus) qui permet d’exécuter des programmes sur différentes ressources informatiques en réseau, ce qui l’a amenée à se pencher sur la question de la tolérance aux pannes dans les systèmes distribués.
Le paysage du logiciel libre
Dans un tout autre domaine, l’environnement du logiciel libre de droits (autour du système d’exploitation Linux) est un secteur particulièrement fermé aux femmes, davantage encore que l’informatique dite « propriétaire ». La désignation open source (« code source ouvert ») a pourtant été suggérée par l’Américaine Christine Peterson, du Foresight Institute, pour qualifier les logiciels dont la licence respecte la possibilité de libre redistribution, d’accès au code source, et autorise la diffusion de travaux dérivés.
D’autres femmes, telles que l’Américaine Kristen Carlson Accardi ou l’Indienne Suparna Bhattacharya ont un rôle très important dans le développement et la maintenance du noyau de Linux. On peut également citer l’apport de l’Américaine Erinn Clark et de l’Espagnole Amaya Rodrigo, fondatrices de Debian Women, qui ont eu non seulement la volonté d’ouvrir aux femmes un secteur du développement informatique particulièrement technique et peu convivial, mais qui leur ont également permis de participer à un groupe de développement de premier plan dans le paysage du logiciel libre.
Isabelle COLLET