Comme
Eudocie* (Athénaïs), Irène est originaire d’Athènes, qui n’est plus, au
VIIIe siècle, qu’une modeste bourgade dont les habitants sont chrétiens et où le Parthénon a été converti en église de la Vierge. On ignore pourquoi et comment Constantin V (741-775) a choisi Irène comme épouse pour son fils, Léon IV. Vainqueur des Arabes et des Bulgares, Constantin V porte à son paroxysme la lutte contre les images. Les iconoclastes condamnent les représentations du Christ, de la Vierge et des saints, car ils estiment qu’il est impie ou idolâtre de leur rendre un culte. Cette hostilité mécontente les iconodoules, le petit peuple de Constantinople et les monastères. S’il pensait donner à son fils une impératrice iconoclaste, Constantin V s’est trompé, car Irène est une iconodoule convaincue. Elle aime encore davantage le pouvoir. Après le court règne de Léon IV, elle exerce la régence au nom de son fils mineur, Constantin VI, et se révèle prête à tout pour le pouvoir. Sa politique est adroite : elle fait la paix avec les Arabes, se rapproche de Charlemagne, à qui elle demande la main de sa fille pour son fils, et consolide son pouvoir en éliminant ceux qui pourraient être ses rivaux. Elle amorce un changement radical de politique religieuse : elle favorise les partisans des images et fait rétablir solennellement le culte par le second concile de Nicée (787). Mais Constantin VI a grandi. Il aspire au pouvoir et tente de renverser Staurakios, un eunuque de la maison d’Irène dont elle a fait son ministre favori. Le complot échoue et Constantin VI est puni du fouet et mis aux arrêts. Soutenue par les iconodoules, Irène obtient de l’armée le serment qu’il ne deviendra jamais empereur tant qu’elle vivra. Les défaites extérieures, toutefois, décident l’armée, qui compte de nombreux fidèles de Constantin V, à remettre Constantin VI au pouvoir. Reléguée dans une résidence surveillée, Irène conserve sa liberté d’intriguer et lui suscite des ennemis. Elle reprend le pouvoir en 797 et fait aveugler son fils dans la
porphyra (chambre de pourpre), où les impératrices accouchaient et où elle l’avait mis au monde. Elle prend officiellement le titre d’empereur, réalisant son ultime ambition. C’était un acte inouï car, par nature, la fonction impériale est d’origine militaire, et l’empereur est le chef des armées. Elle devient, avec l’âge, suspicieuse et réprime dans le sang les intrigues. Elle succombe à un complot mené par son ministre Nicéphore, qui est proclamé empereur en 802. Elle est envoyée dans un couvent où elle meurt en 803, au terme d’un des règnes les plus sanglants de l’histoire de Byzance.
Georges TATE