Fille illégitime du marquis Enrique de Villena y Vega, chevalier noble, poète et prosateur, apparenté à la famille royale des Trastámara, Isabelle de Villena est instruite dans le milieu intellectuel et artistique de la cour d’Alphonse V le Magnanime (1396-1458) ; l’épouse de celui-ci, la reine Marie de Castille (1401-1458), veille sur elle depuis l’enfance. En 1445, elle entre au couvent de la Très Sainte Trinité des Clarisses de Valence, où elle est nommée abbesse en 1463, responsabilité qu’elle assume jusqu’à sa mort. Elle mène une vie de contemplation et de spiritualité, et rédige différents traités à ce sujet ; un seul a été conservé : Vita Christi, publié en 1497 par l’abbesse qui lui succède, Sor Aldonça de Montsoriu. Cet ouvrage, dont la valeur est universellement reconnue, est réédité en 1513 à Valence, puis en 1527 à Barcelone. L’auteure a probablement écrit aussi des sermons et une œuvre mystique, Speculum animae (« miroir de l’âme »), attestée avec certitude en 1761, mais dont la trace a été perdue. Conçu comme un livre de doctrine, Vita Christi est devenu une pièce majeure de la littérature du Siècle d’or valencien (XVe siècle). Ouvrage biographique et de contemplation, il décrit les mystères du Christ, de la conception à l’Ascension. Il n’exclut guère les rêves comme manière d’expliquer la spiritualité, et s’intéresse aux femmes directement liées à Jésus. Avec les personnages évangéliques, notamment la Vierge Marie et Marie Madeleine, objet d’une attention particulière, elle crée une série de personnifications féminines − Pureté, Humilité, Contemplation −, qui renforcent le caractère humaniste de l’œuvre. Elle s’inspire avec une grande liberté des mœurs de son temps et de sa classe, ainsi que de sources extracanoniques, comme la Légende dorée, les Évangiles apocryphes et les traditions des Évangiles gnostiques, écrits au cours des deux premiers siècles du christianisme et interdits peu après. Vita Christi, qui maintient un dialogue permanent avec les œuvres d’intellectuels contemporains, est dédié à Isabelle Ire de Castille, dite la Catholique.
María José VILALTA
