Femme brillante, qui a très tôt acquis une envergure nationale et internationale en géographie, Jacqueline Beaujeu-Garnier s’est engagée dans tous les champs de recherche qui témoignaient des transformations mondiales de l’après-guerre : révolution démographique, urbanisation ou tourisme. Lauréate d’honneur de l’Union géographique internationale en 1988, elle a été l’une des premières femmes présidentes d’un groupe de travail sur les grandes métropoles mondiales. En France, elle est aussi la première titulaire d’un doctorat d’État en géographie (1947), la première géographe devenue professeure d’université (Lille, 1948, puis Sorbonne, 1960-1986), et la première présidente de la Société de géographie de Paris (1983-1995). Allant d’une thèse de géomorphologie pure (Le Morvan et sa bordure, étude morphologique, 1947, publié aux PUF en 1950) à la géographie humaine et à l’aménagement du territoire, son itinéraire est proche de celui de sa génération de géographes. Mais, dans chacune de ces branches, elle a déployé une énergie peu commune. Elle a relevé le défi du terrain, considéré alors comme réservé aux hommes. Elle a coordonné des équipes de géographes pour la réalisation d’atlas régionaux (Atlas du Nord, 1961 ; Atlas de Paris et de la Région parisienne, 1967). Elle est vite devenue une interlocutrice écoutée des services nationaux d’aménagement du territoire. Plus largement, elle a défendu le développement d’une géographie appliquée. Défricheuse, pragmatique, lanceuse d’idées, elle a patronné un large éventail de recherches. Lors de la crise de la géographie française des années 1960-1970, elle a tenté de concilier la tradition française et une modernité d’inspiration anglophone. Elle a démontré, dans sa mobilité thématique et dans sa sensibilité au changement des pratiques et des idées, une grande réactivité au monde contemporain.
Marie-Claire ROBIC