Jakobína Sigurdardóttir
a grandi dans une région rurale et retirée (fjords de lʼOuest) où elle n’a pas pu faire d’études. Aînée d’une fratrie de 13 enfants, elle se marie et devient mère et maîtresse de maison dans une ferme. Elle a publié son premier livre, un livre pour enfants, vers l’âge de 40 ans, et au total 11 livres écrits le soir après ses journées de travail à la ferme où la vie rurale et ses valeurs jouent un grand rôle. Elle demeure l’un des écrivains les plus respectés du
XXe siècle en Islande, elle excelle dans les dialogues entre personnages, révélant leurs désirs et leurs pensées profondes et n’offre jamais de solutions simplistes à leurs problèmes. Politiquement engagée, critique de la société islandaise, du gouvernement et de l’élite littéraire, J. Sigurdardóttir
s’intéresse au statut de la femme, avec beaucoup d’ironie.
Ses sujets d’apparence anodins dissimulent une satire féroce de la société et de la place qu’elle réserve à la femme, et ce, dès son premier recueil de nouvelles :
Punktur á skökkum stad (« point mal placé », 1964). L’une des histoires,
Halldóra Thorsteinsdóttir. ‘Módir, kona, meyja’ (« Halldora Thorsteinsdottir : “mère, femme, vierge” »), prend la forme d’un discours où un monsieur révèle une vision archaïque du statut de la femme mariée. Autre monologue,
Snaran (« le nœud coulant », 1968) voit un balayeur exposer son sort d’ouvrier à un collègue. L’histoire critique la dépendance de l’Islande vis-à-vis des entreprises et des capitaux étrangers, qui entraînerait un manque de liberté de l’individu, une dégradation morale, une course matérialiste effrénée et la dissolution de la société traditionnelle agricole. Dans le roman
Lifandi vatnid (« l’eau vivante », 1974), J. Sigurdardóttir
critique les effets irrévocables de la modernité dans la campagne. L’éthique et l’opposition entre les modes de vie rural et citadin sont également au cœur du roman
Í sama klefa (« dans la même cabine », 1981), qui met en scène la vie d’une paysanne et celle d’une écrivaine, par le moyen d’un dialogue fragmenté, où se cristallisent modernisme et postmodernisme. J. Sigurdardóttir
fabrique un collage d’indices, mais des vides subsistent qu’il appartient au lecteur de combler. Dans son dernier livre – ses Mémoires –
Í barndómi (« l’enfance », 1998), elle fait part de ses réflexions sur l’art et la difficulté d’écrire, sur la langue, sur la conscience de soi, ainsi que sur les souvenirs et leur mise en scène.
Elisa JOHANNSDÓTTIR