Aînée de dix enfants, Jean Ingelow déménage pour Ipswich avec toute la famille à la suite de la banqueroute de son père, banquier. Sa mère et sa tante lui apprennent les langues, la littérature et l’histoire. Elle vient à Londres en 1850 et y passe le reste de sa vie. Dès l’adolescence, partagée entre les nécessités du conformisme social et son imagination, elle écrit de la poésie et des histoires pour des magazines sous le pseudonyme d’Orris. Son premier volume, A Rhyming Chronicle of Incidents and Feelings (« chronique en vers sur de menus incidents et sur des sentiments »), publié anonymement, est admiré par Tennyson. En 1851, elle publie un roman anonyme, Allerton and Dreux, à la tonalité religieuse et moralisatrice. À partir de 1852, elle collabore au magazine évangélique Youth Magazine et en devient l’éditrice pour plusieurs numéros. En 1860, elle publie des histoires pour enfants, Tales of Orris, illustrées par John Everett Millais, et en 1863 ses Poems, qui rencontrent une énorme célébrité des deux côtés de l’Atlantique (30 éditions de son vivant). En 1867, elle puise son inspiration dans la Bible pour A Story of Doom and Other Poems (« une histoire du destin et autres poèmes »), poèmes très appréciés des salons victoriens et que sir Arthur Sullivan met en musique. Elle est l’auteure d’une trentaine d’œuvres, dont six romans et cinq histoires pour enfants, et d’un long poème narratif (Gladys and Her Island, « Gladys et son île », 1867). Ce sont en général des textes assez peu sentimentaux, un peu affectés par endroits, à la structure narrative négligée, mais au rythme lancinant, textes à la dimension allégorique qui célèbrent la nature et la beauté, la fuite loin de la société et ne cachent pas leur idéologie conservatrice. Si elle proteste contre le peu de droits qu’ont les femmes, elle n’en est pas pour autant favorable à leur droit de vote. Elle voit plutôt l’exercice de l’imagination comme un moyen de sortir de l’enfermement auquel la femme est condamnée dès son entrée dans l’âge adulte. Sa défense de l’ordre social et moral et la récurrence de l’image du naufrage dans ses écrits résument sa personnalité paradoxale, image de son époque.
Michel REMY