Après des études de pédagogie à Zagreb, Jelica Belović-Bernardžikowski a passé les années les plus fructueuses de sa vie intellectuelle en Bosnie-Herzégovine, à Prague et à Paris. Dans la région, elle fut la première à parler d’« écriture féminine » et à soutenir que les femmes avaient « un regard différent sur le monde et la vie », et qu’elles ne devaient pas y renoncer. Pour elle, les femmes devaient prendre part aux activités sociales et culturelles de leur peuple. J. Belović a publié de nombreux articles dans les revues et journaux européens et yougoslaves tels que Frankfurter Zeitung, Frauenzeitung, Revue des Deux Mondes, The Gipsy Lore, Ženski Svet (« le monde féminin »). Elle fut rédactrice en chef de Narodna Snaga (« force populaire ») et Frauenwelt. Elle s’insurgeait contre le cloisonnement national et religieux et plaidait pour l’approfondissement des relations entre les Serbes, Croates et Musulmans de Bosnie-Herzégovine, à l’époque austro-hongroise. Passionnée d’ethnologie, J. Belović étudia la tradition populaire, littéraire et artistique. Elle recueillit les contes populaires, publiés dans Narodne pripovetke iz Bosne i Hercegovine (« les contes populaires de Bosnie-Herzégovine », 1899), et Hrvatske jelice (« les contes croates », 1908). La plupart des ses œuvres sont cependant consacrées à la valorisation de l’art de la broderie dont elle a fait la systématisation et créé la terminologie : Građa za tehnološki rječnik ženskog ručnog rada (« matériaux pour un dictionnaire technologique des travaux manuels féminins », 1898-1906) ; O renesansi naše vezilačke umjetnosti (« de la renaissance de notre art de la broderie », 1906) ou encore Narodno tehničko nazivlje (« la terminologie technique populaire », 1907). Membre de la Société folklorique de Vienne, elle collabora avec Friedrich Krauss, ethnologue réputé et slavisant, qui publia plusieurs de ses œuvres. Invitée en 1922 au congrès de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté à Londres, J. Belović fut empêchée de s’y rendre par les autorités. En cinquante ans de carrière, elle écrivit plus de 800 articles et plusieurs dizaines de livres, et eut une correspondance avec 442 personnalités dans toute l’Europe. Elle mourut pourtant seule et oubliée.
Dragana TOMAŠEVIČ