Tous ceux qui ont connu Joan Riviere ont témoigné de son intelligence vive, de sa distinction et de sa sensibilité. Après ses études de lycée, elle passe à 17 ans une année en Allemagne pour acquérir une bonne connaissance de la langue, ce qui, compte tenu de ses propres qualités littéraires, fera d’elle une traductrice de talent qui participera, avec James Strachey, à la traduction des œuvres de Freud en anglais. Elle fait partie du groupe de Bloomsbury où se retrouvaient, notamment, l’essayiste Lytton Strachey et son frère James, l’économiste John Maynard Keynes,
Virginia Woolf* et le peintre Duncan Grant. Ce groupe d’intellectuels et d’artistes affichait son hostilité envers le capitalisme et ses guerres impérialistes, et ne ménageait pas ses attaques contre les pratiques répressives de la société et l’inégalité sexuelle. Dès sa jeunesse, J. Riviere milita en faveur du vote des femmes et du droit au divorce. Après une première analyse avec Ernest Jones, et sur les conseils de ce dernier qui reconnut ses dons particuliers pour l’analyse, elle se rendit en 1922 à Vienne pour une seconde analyse avec Freud. À son retour à Londres, elle participa à la fondation de la Société britannique et à la formation d’analystes aussi connus que Donald Winnicott, John Bowlby,
Susan Isaacs*,
Hanna Segal* ou Herbert Rosenfeld. Amie et collaboratrice de
Melanie Klein*, elle sut garder son indépendance. Elle écrivit avec elle
L’Amour et la Haine, le besoin de réparation en 1937. On lui doit un article resté célèbre – Jacques Lacan y fera référence –, « La féminité en tant que mascarade » (1929). Outre ses vues éclairantes sur « La jalousie comme mécanisme de défense » (1932) et sur la réaction thérapeutique négative (1936), elle publia, en 1952, une contribution à la compréhension de l’œuvre du dramaturge Henrik Ibsen et de son « monde intérieur ».
René MAJOR