Fille d’un mineur juif polonais, Julia Pirotte a mis la photographie au service de son engagement politique et de son désir de témoignage. Militante progressiste, elle est condamnée en 1925 à quatre ans de prison en Pologne. En 1934, date d’une nouvelle menace d’arrestation, elle rejoint sa sœur réfugiée en France, mais s’arrête à Bruxelles, à l’issue d’un long voyage à travers l’Europe. En 1935, elle épouse Jean Pirotte, ouvrier militant, et obtient la nationalité belge. Ouvrière dans une entreprise de construction, elle devient la porte-parole de ses collègues pendant les mouvements sociaux touchant la Belgique en 1936. Réduite au chômage après ces événements, encouragée par Suzanne Spaak (1905-1944) qui lui offre un Leica III, elle suit des cours de photographie. En 1939, à la veille de la guerre, l’agence de presse belge Foto Waro lui commande son premier reportage dans les pays Baltes. Le 10 mai 1940, elle s’exile à Marseille, où elle travaille comme volontaire dans une usine d’aviation, puis, à partir du mois de juillet, elle est portraitiste sur une plage privée. En 1942, sa collaboration avec la revue Dimanche illustré, pour laquelle elle photographie des vedettes en tournée, sert de couverture idéale pour ses activités de résistante. Agente de liaison au sein de l’organisation La Main d’œuvre immigrée, elle fabrique des faux papiers et transporte des armes. Elle prend en photo les internés du camp de Bompard, quelque temps avant leur déportation à Auschwitz, en août 1942. Ses clichés de Marseille et du quotidien difficile des habitants sont envoyés illégalement aux États-Unis en 1943, et font l’objet de publications. Le 21 août 1944, elle photographie le soulèvement de la ville et participe à la prise d’assaut de la préfecture. À l’issue de la guerre, la plupart des membres de sa famille ont disparu en déportation : sa sœur, résistante française, a notamment été décapitée à Breslau en 1944. De retour en Pologne en 1946, afin de participer à la reconstruction du pays, elle poursuit sa carrière de photoreporter et couvre les lendemains du pogrom de Kielce, la même année. En 1948, elle réalise divers portraits (Picasso, Éluard), lors du Congrès mondial des intellectuels pour la paix à Wrocław. Depuis les années 1980, divers hommages lui ont été consacrés en France, aux États-Unis et à Jérusalem. J. Pirotte a confié la totalité de ses archives au musée de la Photographie à Charleroi en 1990.
Damarice AMAO
Consultez cet article illustré sur le site d’Archives of Women Artists, Research and Exhibitions