Née en Éthiopie d’une mère américaine et d’un père autochtone, Julie Mehretu a grandi dans le Michigan avant d’étudier à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et à la School of Design de Rhode Island aux États-Unis. Elle s’installe ensuite à New York, où elle crée des cartographies imaginaires dont la structure de l’espace s’inspire d’architectures ou d’édifices réels, tels qu’ils existent dans les cités américaines, africaines ou européennes. Combinant souvent plusieurs techniques (pinceau, crayon, stylo, plume), elle compose ses œuvres comme des stratigraphies mouvantes, en superposant des calques indépendants, où s’échelonne une multitude bigarrée de formes colorées et de lignes ondoyantes. S’ajoutent à celle-ci des dessins énergiques et explosifs, desquels se détache une armée de points et de hachures que l’artiste décrit comme des « personnages » en mouvement. À la fois ordonnées et chaotiques, ses architectures sont autant de visions utopiques qui ressuscitent la ville des futuristes tout en renouant avec l’urbanisme créatif et libérateur prôné par les situationnistes. Mais, loin de se cantonner à une cité idéale, son œuvre demeure fermement ancrée dans le réel en lançant un regard critique sur le monde contemporain. Ainsi, le tableau The Seven Acts of Mercy (« les sept actes de miséricorde », 2004), inspiré par l’œuvre éponyme du Caravage, souligne la nécessité de la lutte politique. De même, la série de gravures intitulée Heavy Weather (« mauvais temps », 2005) fait référence au désastre de l’ouragan Katrina. Selon ses propres mots, « I’m interested in the multifaceted layers of place, space, and time that impact the formation of personal and communal identity » (« je suis intéressée par les multiples strates de lieux, d’espaces et de temps qui influent sur la construction de l’identité personnelle et collective »). Elle offre ainsi une réflexion féconde et vivifiante sur la place de l’individu dans un monde globalisé. Fille du graffiti et des comic books, son esthétique est entrée dans les collections du Museum of Modern Art (MoMa) de New York. Elle a bénéficié de plusieurs expositions personnelles, notamment au Walker Art Center de Minneapolis (2003). Elle a également participé à plusieurs biennales et expositions collectives importantes, parmi lesquelles Africa Remix au Centre Pompidou à Paris en 2005.
Johanna RENARD